En ayant eu l’idée de bâtir un scénario sur les contes de fée et en donnant l’occasion aux acteurs d’incarner des personnages que nous connaissons bien depuis l’enfance, le film se donne un ton et un style peu rencontrés actuellement au cinéma, sauf dans certaines niaiseries américaines trop dégoulinantes de bons sentiments ou de vulgarité, ou des deux à la fois. Ici, c’est la classe ! On retiendra des dialogues qui risquent fort de devenir cultes, surtout lorsqu’ils sont prononcés par la voix et avec le ton inimitables d’un Jean-Pierre Bacri revenu au meilleur de sa forme après des passages dans certains films qui n’ont pas réussi à le mettre autant en valeur. Ainsi, la leçon de conduite entre les deux protagonistes (lui et Agnès Jaoui), qui servit longtemps la bande-annonce et dont on ne se lasse pas. Mais aussi le récit de la jeune fille (Agathe Bonitzer) qui raconte à un Jean-Pierre Bacri désabusé sa rencontre avec son fils (adorable Arthur Dupont découvert dans Les saveurs du palais de Christian Vincent, ici un peu bègue juste pour le rendre encore plus tendre et plus humain). Ou bien la réplique de Bacri, toujours, à son fils de cinéma lors du cocktail des fiançailles lorsqu’il lui demande ce qu’il fait ici. Bacri répond : "Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? On s’emmerde !" Génial.
L’année prochaine, sûr qu’il fera partie des films dont on parlera pour les Césars, mais de l’eau aura coulé sous les ponts surtout à l’allure où les films sortent sur nos écrans, pas encore touchés pour leur part par la crise… Le film commence presque par "il était une fois" et se déroule dans des lieux magiques comme les célèbres ateliers de Paolo Calia aux Frigos (Paris, XIIIe), antre du baroque délirant style Cinecittà, ou une scène de théâtre pour enfants. Ballottés les uns contre les autres, amoureux transis ou âmes câlines désespérées, les personnages du film visitent toutes les situations comiques, tragiques mais aussi anodines de l’existence sans se départir d’un infaillible sens de l’humour qui fait mouche à chaque fois. Énième variation sur le thème de l’amour qui habite tous les contes de fées se concluant presque tous par "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants", Au bout du conte (subtil jeu de mots) n’est pas désabusé mais se donne comme objectif de penser autour de l’enfance. Jean-Pierre Bacri le définit très bien lui-même dans l’entretien qu’il a accordé avec Agnès Jaoui à l’attaché de presse du film : "Dans la réalité, une fois que tu as rencontré ton prince ou ta princesse charmant(e), il se passe quoi ? Il se passe quoi une fois le livre refermé… ? On voulait une sorte de variation sur le couple tel qu’il est ou tel qu’il devient, et sur l’amour en général." Mission accomplie.