Verdict : ce n’est ni « seulement » le pire film de Kurzel, ni l’un des plus mauvais de l’année… c’est l’un des pires de l’histoire du cinéma. Un méchant navet qui se pare d’atours pseudo-artistiques pour livrer le film le plus insipide qui soit.

Nihilisme esthéthique et clichés aberrants
Assassin’s Creed est le chef-d’œuvre du nihilisme des majors. Qu’importent le sens, la mise en scène, la direction des acteurs, tant que le spectaculaire, si rentable, prévaut. Au fond, une mise en scène muette purement attachée aux cascades et aux combats, sans nécessité narrative, aurait pu donner quelque chose d’intéressant, à la manière de la première bataille de The Revenant (Alejandro Iñarritu, 2016), où la caméra, en un long plan-séquence en travelling, virevolte à travers les combattants.
Or, systématiquement intégrées dans une narration plus que stéréotypée – l’éternel complot des Templiers désirant dominer le monde grâce à la Pomme d’Éden, qui à elle seule contient le libre-arbitre humain –, roulades et acrobaties dans la Grenade assiégée de 1492 perdent tout intérêt visuel ou moral. Enchaînées à tout va, dans une soif de faire toujours plus et toujours plus vite, les séquences d’action, cœur du film, paraissent interminables tant elles ne s’apportent mutuellement rien.

À la différence de Macbeth, où les artifices cinématographiques exprimaient de manière sensorielle la folie grandissante de Macbeth et de sa femme (déjà Michael Fassbender et Marion Cotillard), tout est gratuit dans Assassin’s Creed. Comme cette fumée constante, qui envahit chaque plan de l’Andalousie médiévale, et qui ne sert à rien, sinon à donner à cette époque un caractère vaguement ésotérique et mystérieux – absolument fumeux. De la même manière, Kurzel a-do-re faire apparaître un aigle, que la caméra, par ordinateur, suit en un rapide travelling pour découvrir l’immensité du paysage. Procédé qui apparaît à chaque régression de Callum Lynch (Michael Fassbender) dans le passé de son ancêtre, soit quatre ou cinq fois, sans aucune variation.
Et que révèle le regard de l’aigle ? La vacuité d’une ville entièrement conçue en images de synthèse, qui n’abrite rien de vivant. L’erreur de la synthèse dans toute sa splendeur : croire que de telles images sont plus « réalistes » que les prises de vue réelles, alors que leur froideur ne fait que sursignifier leur fausseté. C’est là que Kurzel étonne : lui qui préférait les discontinuités et les sautes d’images brusques dans Macbeth devient un admirateur béat de la pseudo-continuité des raccords. Au milieu de la mêlée furieuse, tout est affaire de raccords, de continuité, d’illusion de la transparence…
Quitte à commettre les pires aberrations : on se demande comment Ubisoft, pourtant à l’origine de la franchise vidéo-ludique, a pu autoriser des plans filmés à la première personne, à la manière des First-Person Shooter (FPS), dans l’adaptation d’un jeu qui se jouait à la troisième personne. Plus qu’une immersion dans une réalité augmentée par le numérique, Assassin’s Creed doit plutôt se concevoir comme une immersion dans le nihilisme le plus abject des grosses productions hollywoodiennes.