Un Beau voyou

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Une tentative de burlesque sur les toits de Paris.

Un beau casting

Lucas Bernard, ancien assistant opérateur de Coline Serreau et de Tonie Marshall, chef opérateur de René Féret, scénariste à ses heures et auteur d’un roman, Les lacets rouges, s’est lancé en 2014 dans la réalisation en nous livrant un court métrage, La place du mort. Un beau voyou est son premier long métrage et, pour ce faire, il a choisi le genre burlesque absurde qui pourrait fonctionner mieux et qui repose en fait sur le talent des comédiens. En effet, il a choisi Charles Berling dans un rôle à contre-emploi de flic à la veille de la retraite et Swann Arlaud qu’on avait adoré dans Petit paysan (Hubert Charuel, 2017) mais qui, ici, malgré son regard énigmatique et ses faux airs d’Arsène Lupin, ne convainc pas trop, pas plus que sa petite amie, Jennifer Decker, un peu trop caricaturale, sans parler de son père, Jean-Quentin Châtelain.

Trop de folie

En fait, le film souffre paradoxalement d’un trop plein de folie. Cela ne serait pas antipathique si on ne repérait pas aisément le procédé. Tout le monde est déjanté ici, à commencer par le vieux flic veuf, à l’aube de la retraite et qui veut vivre en liberté. Le film fait d’ailleurs, par moments, penser à celui de Pierre Salvadori, En liberté ! (2018) par ses excès et ses maladresses. Le réalisateur le déclare lui-même dans le dossier de presse, son intention est de dépeindre de diverses manières le fait d’être libre, surtout Bertrand, son jeune voyou aérien : « J’aime son refus du monde. Je m’en sens assez proche, de façon moins radicale. Bertrand s’est affranchi de toute obligation morale : ses arnaques peu recommandables ne lui posent aucun problème. Comme si le réel n’avait pas de prise sur lui. » Le réel est pourtant ce qui a servi au réalisateur pour construire son scénario : la plupart des événements qui surviennent comme l’irruption d’un cambrioleur dans un appartement habité, l’arnaque à la location ou encore le fait de se faire inviter par erreur à un repas mondain…, sont tirés de sa propre vie.

 

Le monde de la peinture moderne

Même le personnage du commissaire Beffrois (de Bruges ou de Bruxelles ?) s’inspire un peu du personnage de la vieille série télévisuelle, Columbo, dans laquelle Peter Falk incarne à la perfection le rôle d’un commissaire maladroit et décalé. Pour la circonstance, Charles Berling, qui est un excellent acteur, se met dans la peau d’un flic un peu étrange et qui part sur les traces d’un trafic de tableaux. Le choix de ce genre de délit a intéressé le réalisateur car il confie qu’il trouve qu’un voleur d’œuvres d’art est plus sympathique qu’un arnaqueur pour jeunes étudiantes. Là-dessus, il n’a pas tort, d’autant que cet univers plus poétique lui permet de montrer comment le commissaire Beffrois évolue, lui qui possède un tableau choisi par sa femme décédée et qui, peu à peu, va se mettre à découvrir l’art, et notamment Philippe Derôme, un peintre qui existe vraiment, et dont il possède un œuvre chez lui. Cela permet aussi à Lucas Bernard de nous entraîner dans un monde étrange, celui des collectionneurs aux comportement bizarres à la limite de l’honnêteté, ou dans celui d’un restaurateur de tableaux hurluberlu et de sa fille fantasque et un tantinet érotomane.

 

Sur les traces de grands films

Tout ceci serait bien sympathique s’il n’y avait autant d’excès mal gérés. Le film burlesque demande vraiment beaucoup de rigueur, et sans doute le jeune réalisateur s’est-il laissé entraîner par un sujet qui était très tentant à cet égard. S’inspirant de Peur sur la ville (Henri Verneuil, 1975) mais sans doute aussi du malheureusement trop méconnu film de Roman Polanski, Frantic (1988), pour les scènes de poursuite vertigineuses sur les toits, Lucas Bernard fait de Paris le thème central du film puisque les fans pourront aisément reconnaître certains quartiers ou bâtiments. Ces scènes abondantes de poursuites qui donnent le vertige, avec des monte-en-l’air de talent, complètent le portrait de Bertrand pour lui donner encore plus de liberté, tel un acrobate mythomane. Il faut dire que cette année-là, Paris vivait sous le signe de la cascade : « Ce qui est drôle, c’est qu’on a tourné en même temps que Mission : Impossible, Fallout, dont le budget cascade n’a rien de commun avec le nôtre, déclare le réalisateur dans le dossier de presse du film. On a dû ajuster le plan de travail parce qu’on ne pouvait pas garer les camions. Tom Cruise occupait toute la ville ! »

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Durée : 104 mn


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