Tourou et Bitti, les tambours d´avant

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Un des sommets de l’oeuvre ethnographique de Jean Rouch.

Jean Rouch est un ingénieur des ponts et chaussées devenu ethnologue et cinéaste. Ancien assistant de Jean Renoir et précurseur de la nouvelle vague, il fait partie du courant dynamique de l’ethnologie. En effet, il rompt avec l’anthropologie colonialiste des années trente et se spécialise dans l’approche des populations africaines et notamment celles du Niger (les songhaï). Tout comme en 1951 avec Yénendi, les hommes qui font la pluie, en 1954 avec les maîtres fous, ou en 1956 avec Mammy water, Jean Rouch réalise en 1972 un autre film (Les tambours d’avant / Tourou et Bitti) qui fera partie de ce qu’on appellera alors « Le ciné-transe ». En effet, le cinéaste ethnologue s’attache dans ces films-là, à montrer l’installation d’un rituel de transe dans les populations africaines. Il porte donc un regard sur autrui à travers l’œil de verre de la caméra.

Nous étudierons donc les tambours d’avant en essayant de déceler la singularité de ce court-métrage réalisé dans le village de Smiri au Zermaganda du Niger. Dans cette tribu, les villageois organisaient une danse de possession pour demander aux génies de la brousse, la protection des récoltes futures contre les sauterelles ; mais la transe ne prenait pas jusqu’à l’arrivée du cinéaste ethnologue. Nous analyserons donc les différents choix et thèmes de mise en scène (l’utilisation du plan séquence, de la voix off, des thèmes de la rencontre et du cycle) ainsi que les multiples terrains de réflexion que le film de Jean Rouch peut soulever (notamment sur la position du cinéaste puisque son travail semble combiner l’héritage des deux fondateurs du cinéma documentaire qui possèdent une démarche opposée : Robert Flaherty et Dziga Vertov).

Tout d’abord, dans ce court-métrage Jean Rouch tente de rapprocher la caméra le plus possible du regard humain (elle est en couleur, en son synchrone, en temps réel grâce à l’utilisation du plan-séquence). Ainsi, le cinéaste se situe au plus près de la réalité et de la population, et évite alors toute distance. Effectivement, il se rapproche toujours le plus possible des hommes. Grâce à cette proximité de la caméra avec les personnes filmées, on découvre l’importance de la rencontre pour Jean Rouch. Ce thème est central dans son travail. En effet, c’est la rencontre avec autrui qui fait avancer la caméra et qui lui permet de présenter les lieux, les évènements et les personnages au spectateur.

Le film est composé de deux plans, dans le premier, Jean Rouch présente ses intentions et prépare le spectateur en expliquant le contexte et le but de cet « essai de cinéma à la première personne ». Ce premier plan du film nous montre l’extérieur du village et la caméra qui s’en rapproche. Le cinéaste décide de terminer ce premier plan sur un mouvement descendant de la caméra qui semble pointer du doigt le sol, la terre. Cette terre qui est sèche et qui rappelle la motivation du rituel : demander au génie de la brousse la protection des récoltes. Ensuite, le second plan dure environ 8 minutes et permet à Jean Rouch de se poser la question de la valeur et de l’intérêt d’un plan sans aucune coupe ; d’un plan séquence. Ce second plan débute alors sur une ouverture au noir. Le cinéaste se situe alors à l’extérieur du village, il est séparé par les palissades qui entourent la concession. Jean Rouch va ensuite avancer, caméra à l’épaule, grâce aux différentes rencontres avec les hommes du village. En effet, il suit tout d’abord le premier homme habillé de blanc qui l’attendait à l’entrée (« le Zimma Daouda Sido »). C’est à partir de cette personne que le spectateur va découvrir l’espace.

Le cinéaste suit l’homme pas à pas, en regardant d’un côté et de l’autre, comme si la caméra investissait et repérait les lieux ; nous voyons alors le parc des moutons et des chèvres qui seront sacrifiés dans les rituels futurs (sur la gauche), les femmes et les hangars vides des chevaux (sur la droite) avant de découvrir un espace en cercle formé par les habitants du village.

D’ailleurs, le motif circulaire se retrouve à plusieurs reprises dans le film. En effet, Jean Rouch choisit une dynamique circulaire où nous entrons dans une concession pour ensuite découvrir le cercle du spectacle avec des danseurs et des musiciens. La caméra se rapprochera plus tard d’un tambour pour le montrer en gros plan ; celui–ci possède également cette forme géométrique ronde. Enfin Jean Rouch se retire du rituel pour se trouver à la place du spectateur de la transe et finit son film comme il l’avait commencé par le noir grâce à un fondu. Cette dynamique circulaire que prend le film semble signifier que ce qu’il nous a montré est un rituel, donc il se reproduit, il peut être répété comme un cycle.

Pour en revenir au thème central du film (celui de la rencontre). Nous pouvons noter que lorsque Jean Rouch arrive à l’entrée du cercle destiné à la danse du rituel, il rencontre puis suit un autre membre de la communauté (« le vieux Sangou albiidou », l’homme vêtu de bleu) qui prend lui aussi le rôle de guide initié par « Zimma Doaouda Sido ». Ce vieil homme l’amène alors jusqu’à l’orchestre des tambours qui est le centre de l’histoire mais aussi le foyer où culmine l’importance de la présence de la caméra. Jean Rouch réalise ensuite (dans la continuité) un travelling à demi-circulaire afin d’embrasser l’espace et les différents acteurs de l’orchestre. Il suivra alors l’homme et la femme possédés par des génies en filmant en alternance les musiciens et les danseurs. Ce relais se fait presque toujours grâce aux danseurs qui vont à la rencontre des musiciens qui leur ont permis d’entrer en transe. Le thème de la rencontre est donc fondamental tant dans le fond que dans la forme.

De plus, tout comme dans les films de Robert Flaherty, la caméra est participante, en contact avec l’autre, bien qu’ici il n’y ait pas de reconstitution, de mise en scène. C’est justement cette proximité qui fait de la caméra un individu participant au rituel. La caméra devient un élément constitutif de la transe et accède au statut de protagoniste. En effet, elle permet d’accélérer le rituel et de mettre fin à ces quatre jours d’attente de transe (la voix off du prologue nous apprend même que Jean Rouch a été invité à filmer cette attente). Son approche filmique créditée d’ethnologie partagée (qui s’exerce en contrepoint de l’ethnologie de l’époque basée sur le colonialisme) consiste à élaborer une étude sur l’autre mais surtout, une étude avec l’autre. En effet, le travail de Jean Rouch ne s’arrête pas à la réalisation.

Il donne une importance à ce qui s’appelle le « Feed-back » ; Jean Rouch restitue à la fin de son travail, leur image aux populations filmées. Le cinéaste est partisan d’une anthropologie partagée qui consiste à associer à sa recherche les populations qui autrefois n’étaient que des objets d’étude. Mais ce dispositif n’est possible qu’après une longue immersion et une connaissance parfaite du milieu, de la population et du rituel filmé. Comme dans les films de Flaherty, les individus sont consentants et acceptent d’être filmés. Ce procédé anthropologique témoigne donc d’une volonté de rendre compte de la réalité de l’intérieur, à la manière de Flaherty, resté deux ans dans le grand nord pour réaliser Nanook l’esquimau. L’intérêt ethnologique serait alors d’entrer dans la culture de l’autre. Mais ici, le point de vue adopté par Jean Rouch est pourtant un peu différent de celui de Flaherty puisque le cinéaste conserve ici son regard occidental. Il ne prétend pas filmer du point de vue des songhaï contrairement à Flaherty qui voulait filmer du point de vue des Inuits. Jean Rouch lui, se revendique ici étranger. Mais cette démarche n’est possible que parce qu’auparavant le cinéaste avait tissé des liens forts avec ces populations (il y a donc une longue imprégnation et une étude du terrain qui est préalable à ce travail). Ainsi, le spectateur s’associe à la position du cinéaste puisque sa démarche est celle d’entrer dans un univers auquel il est extérieur au début, mais aussi parce que sa position de cinéaste est narrée en voix off.

Effectivement, le commentaire dans les films de Jean Rouch se différencie clairement des voix off des actualités. Ce commentaire de l’action n’est pas redondant à l’image, il décrit et propose une réflexion sur le processus de tournage du cinéaste puisqu’il compare au début du plan séquence l’entrée dans la tribu à l’entrée dans un film. Ces commentaires donnent des précisions sur la nature des images. La voix off permet donc de canaliser le regard du spectateur, d’expliciter les images, de les rendre intelligibles et de lui faire voir les choses simplement au lieu de le laisser interpréter. Le spectateur doit donc voir ce qu’on lui montre ; cela permet d’éviter les erreurs d’appréciations et les malentendus comme lorsque les maîtres fous avaient été présentés sans aucun commentaire. L’utilisation de la voix off à posteriori crée alors un jeu constant entre le double présent qui sépare le présent de l’évènement à l’image et celui du récit, au son.

Cette voix off perturbe également les modes de subjectivités et d’identifications que l’on retrouve habituellement au cinéma. Le spectateur est donc plongé dans un présent d’énonciation et de narration. En effet, il ne s’identifie non pas aux personnes filmées mais plutôt au filmeur. Le commentaire semble en toute part conçu en opposition à la « voix divine » de l’ethnographe omniscient. Jean Rouch l’improvise entièrement et s’y donne à entendre à la fois comme sujet et auteur de ses images. D’ailleurs Jean Rouch s’avoue être lui-même comme « halluciné » par son propre enregistrement lorsqu’il revoit les images en studio (D’après Jean Rouch ou le ciné-plaisir de René Prédal ; CinémAction n°18). Ainsi, par le redoublement de l’expérience de la vision et l’audition, sa voix trouve la distance nécessaire à dire « je ». Il nomme d’ailleurs Tourou et bitti un « essai d’ethnographie à la première personne » et rien n’est plus juste. En effet, le film présente superbement une unité (peut-être utopique) entre la réalité et sa représentation filtrée par le regard subjectif d’un homme.

D’autre part, le rôle actif de la caméra, nous permet de rapprocher son cinéma de celui de Dziga Vertov. En effet, Jean Rouch provoque et traque le réel et c’est bien ce qui rend ce court-métrage aussi sublime. Il tente d’aller au cœur de l’attente et du rituel, il enregistre alors des choses qui ne se seraient sûrement pas passées sans la présence de la caméra, outil d’investigation. En effet, celle-ci déclenche le rituel de transe ou du moins l’accélère. Elle est visible et possède un véritable impact sur les comportements des musiciens et des danseurs. La caméra n’est pas cachée, elle ne cherche pas à se faire oublier car elle occupe ouvertement le devant de la scène. Ainsi, lorsqu’elle se retrouve cachée par le dos d’un protagoniste, Jean Rouch change l’axe de prise de vue afin de rester présent et de tenir les personnages à vue.

Jean Rouch laisse aux individus le soin de faire leur propre mise en scène, (effectivement le rituel de transe est déjà un spectacle en soi) mais en même temps, la simple présence de la caméra semble les aider à entrer dans ce rituel de transe si longtemps attendu. En effet, Jean Rouch comme Dziga Vertov avait sortit sa caméra afin de « saisir la vie à l’improviste », de filmer l’attente d’un rituel. Mais la caméra présente dans le cercle destiné au rituel, au lieu de s’arrêter de filmer lorsque la musique s’interrompt, continue à enregistrer le réel en s’approchant d’avantage encore des musiciens. Ce mouvement et cette non interruption du tournage a alors provoqué la reprise de la musique. En effet, les musiciens se rendant compte qu’ils étaient filmés et qu’ils s’étaient arrêtés de jouer, ont repris « naturellement » ou plutôt contre la nature, la musique pour la caméra. C’est à ce moment-là que les danseurs sont entrés en transe et que le rituel s’est déclenché puis emballé.

La musique qui est effectivement un évènement majeur dans les mécanismes des rituels de transe (comme par exemple chez les derviches tourneurs), a été reprise grâce à la présence de la caméra. Ce moment d’emballement est très impressionnant car Jean Rouch raconte ses choix de mise en scène par la voix off, et cette parole semble revivre le moment en même temps qu’elle explique ses intensions de l’époque. C’est donc en cela que la caméra participe au rituel ; elle n’est plus seulement accompagnatrice, mais elle devient véritablement actrice. Cet exemple montre que le cinéma permet non seulement d’entrer en contact avec l’autre et avec le réel, mais il permet aussi une provocation. Communément on affirme que la présence de la caméra biaise le véritable tempérament des personnes filmées (car elles se sentent regardées). Certains cinéastes cherchent donc à se faire oublier afin de ne pas perturber cette réalité, cette vérité (c’est le cas notamment de Depardon). Mais ici, la caméra est actrice, Jean Rouch ne cherche pas à se faire oublier ; sa présence joue alors un rôle positif dans le déclenchement du rituel (c’est peut-être d’ailleurs pour cela que certains villageois lui avaient demandé de filmer). Le film appartient donc entièrement à l’évènement, il est parti prenante de la transe. Les films de Vertov se rapprochent également de ce film puisqu’ils révèlent moins une réalité qu’une façon de la regarder, de l’appréhender et de la comprendre.

L’expérience du film se base donc avant tout sur la capacité de l’œil à être immédiatement frappé par ce qui est étranger à notre habitude quotidienne. Il dévoile les capacités du médium à l’enregistrer pour nous en faire faire une expérience quasiment directe. Le dessein de Jean Rouch était en effet de : « Conserver un document filmé dans le temps réel » et de « donner entièrement à voir ». Sans doute le plan-séquence, c’est à dire adhérer au réel enregistré sans coupure temporelle, rendre une action dans toute sa continuité, constitue-t-il un des fondements de ce qu’il appelle le « cinéma du réel ». Dans le plan-séquence en général et dans celui-ci en particulier, on peut noter qu’il y a une véritable unité du vécu et du représenté. C’est ce qui lui donne ce caractère exceptionnel. Il s’agit d’un unique plan séquence de la durée d’une bobine, au cours duquel une cérémonie de possession qui « échoue » depuis plusieurs jours, dans la mesure où aucun génie ne s’est incarné, « fonctionne » tout à coup grâce à l’intervention de « l’ethno-cinéaste ». En effet, la présence subite de la caméra semble avoir déclenché pour deux des danseurs la transe longuement attendue, ouvrant alors les négociations rituelles et les sacrifices.

Il faut certes une grande habitude de la culture Songhaï pour reconnaître la transe du premier des danseurs, mais la terrible possession du second d’entre eux (une femme) quelques minutes plus tard ne fait aucun doute pour le spectateur lambda. Peut-être n’est-ce pas le document le plus impressionnant de Rouch, les cérémonies les plus esthétiques, celles où la danse se déploie plus librement, étant sûrement celles dans lesquelles les dieux ne s’incarnent pas. Mais ici le but du rite a été atteint grâce à l’entrée en scène décisive de « l’ethno-cinéaste ». C’est ce moment précis de la crise qui est frappant car nous y assistons en temps continu, sans aucune coupure.

De plus, l’utilisation du plan séquence connue comme appartenant à l’esthétique des films de Flaherty, notamment grâce à l’article d’André Bazin dans Montage interdit est ici repris par Jean Rouch. En effet, le « cinéma direct » lui permet d’aller au cœur de ce qu’il veut filmer. Même lorsqu’il souhaite s’en tenir à la stricte captation du réel, en filmant en un unique plan-séquence une transe, Rouch fait œuvre de cinéma. En effet, près de dix minutes lui suffisent pour raconter une histoire et la vie d’un peuple, grâce à de simples mais magnifiques changements d’axes (« je me recule pour adopter le point de vue des enfants » explique-t-il en voix-off par exemple). Une des particularités du film est celle de l’explication de sa méthode de tournage en même temps que le film se déroule. Jean Rouch nous accompagne dans son film pour partager une sorte de leçon de cinéma.

Ce film est grâce à cela l’un des sommets de son expérience de cinéaste, et sans doute un nouveau type de document ethnographique. Le commentaire parlé de Rouch, porte moins directement sur les images vues (puisqu’il traduit très peu les dialogues des Songaï) que sur la situation du tournage elle-même. Effectivement, il crée un rapport entre l’activité d’enregistrement et le réel en posant clairement les questions fondamentales pour tout réalisateur (Quand décider de déclencher la caméra ? Que signifie : « entrer dans un film » ? A quel moment « couper » l’enregistrement ? A quel moment une partie de la réalité vécue par le cameraman et les acteurs doit-elle en être exclue ?) Rouch interprète donc sa propre activité de cinéaste notamment au moment décisif du film ; lorsque les tambours de la cérémonie s’arrêtent de jouer. Le commentaire est le suivant : « j’aurais dû m’arrêter de filmer mais je me doutais sans doute qu’il allait se passer quelque chose… ». En effet, c’est le moment où a lieu la première possession qui vient confirmer la relation essentielle entre possédé et public ; entre spectacle et spectateur.

Peu après Jean Rouch organise une réflexion semblable lorsqu’il s’agit de terminer le film : l’auteur affirme qu’il aurait dû continuer de tourner (c’est-à-dire changer la bobine dans sa caméra). Or il décide au contraire d’achever là le tournage pour obtenir un document d’un seul plan et nous laisser réfléchir sur son expérience. Son rôle d’ethnographe aurait effectivement voulu qu’il enregistre le rituel au complet, les pourparlers avec les dieux concernant les récoltes, les sacrifices et la fin de la possession, or le cinéaste, véritable conteur filmique, prétextant la contrainte technique, a dominé et Jean Rouch a préféré se retirer du cœur du spectacle où il avait été acteur pour devenir à son tour spectateur. Il revient là aussi, comme il le fait si souvent, à la première image de son film, celle du soleil en train de se coucher. Il effectue alors son habituel mouvement de contre-plongée vers le ciel, et les tambours continuent à résonner une fois l’image disparue. Jean Rouch a fait œuvre de cinéma et l’a dit, introduisant par son commentaire un élément précieux d’autoréflexion. L’histoire qu’il conte ici n’est plus, comme c’était encore le cas dans les années 50, un évènement qu’il enregistrait une dernière fois parce qu’il allait bientôt disparaître. Ici le type d’histoire s’est foncièrement déplacé même si la dimension d’enregistrement comme archive ou mémoire est encore présente. Le film décrit surtout le cheminement d’un ethnographe (à la caméra), fasciné par les rituels de possession.

En définitive, sa méthode d’approche des individus et des sociétés ne se fonde sur aucune idéologie, mais nous pourrions peut-être la définir comme humaniste car il en ressort toujours une très grande sympathie et un respect de l’identité culturelle des personnes filmées. Jean Rouch fait partie du courant dynamique de l’ethnologie ; sa caméra est un outil d’observation au service de la connaissance humaine. Cette étude des sociétés suppose que l’on porte un regard sur l’autre, mais l’ethnologie que pratique Jean Rouch n’est ni du voyeurisme, ni motivée par l’exotisme. Sa caméra est donc un outil d’observation au service de la connaissance humaine. Ce n’est pas le cinéma comme technique d’enregistrement passif du réel qui intéresse ce cinéaste, mais le médium qui permet d’entrer en contact avec le réel et de communiquer avec l’autre. Ce moyen de découverte et de provocation du réel qui unit à la fois le cinéma de Flaherty et celui de Vertov devient ici la singularité du cinéma de Jean Rouch. Le film s’est en partie intégré au rite lui-même, et ne constitue pas seulement une impressionnante expérience « d’ethnographie partagée », mais un matériau unique pour toute anthropologie du médium visuel.

Par ailleurs, le cinéma de Jean Rouch a orienté toute une génération de cinéastes : celle du cinéma-vérité. En effet, comme Jean-Luc Godard pour la fiction, Jean Rouch rejetait de la même manière l’héritage du langage cinématographique, au profit d’une plus grande liberté d’expression. C’est ce qui avait fait dire à Godard que Jean Rouch avait « ouvert la voie à la nouvelle vague française ».

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Durée : 12 mn


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