The Good German

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Prenez un journaliste revenu de tout, une femme fatale et un jeune magouilleur de l´armée américaine. Plongez-les dans une intrigue tortueuse à souhait, ancrée dans le Berlin de l´immédiate après-guerre, ville ravagée par les bombardements et le chaos moral. Empaquetez-le tout dans un noir et blanc brumeux, tout droit sorti des années 40, et mêlez […]

Prenez un journaliste revenu de tout, une femme fatale et un jeune magouilleur de l´armée américaine. Plongez-les dans une intrigue tortueuse à souhait, ancrée dans le Berlin de l´immédiate après-guerre, ville ravagée par les bombardements et le chaos moral. Empaquetez-le tout dans un noir et blanc brumeux, tout droit sorti des années 40, et mêlez savamment la fiction aux images d´archives. Vous obtiendrez alors The Good German, un vrai faux film noir qui se voudrait à la fois hommage et relecture moderne du genre. Un pastiche qui ne surprend en rien de la part de Steven Soderbergh, cinéaste à l´aise dans tous les styles et toujours prompt à se lancer dans des directions contradictoires (dernier exemple en date : Bubble, film réaliste et social, après Ocean´s twelve, mastodonte hollywoodien)

Ce faussaire est capable d´oeuvrer dans tous les registres, du drame à la comédie, et de jongler de l´expérimental au populaire. Tel un caméléon, il ressemble au Zelig de Woody Allen, un être doué pour se fondre dans n´importe quel paysage, en toutes circonstances. On pourrait alors émettre l´hypothèse que le grand sujet de son cinéma, c´est justement la vanité de la forme ; et plus généralement, la prétention de toute expression artistique cherchant à faire sens. Mais on peut également penser que Soderbergh s´amuse avant tout de sa propre versatilité. Il joue de sa virtuosité et se moque de la notion de style. Car comment revendiquer sérieusement une identité artistique dès lors que l´on peut tout copier à l´identique ? A l´instar du Orson Welles de Vérités et mensonges (1975), il se gausserait des notions d´auteur et de signature. Il saluerait la primauté de l´oeuvre sur les intentions qui l´ont fait naître. Car seule importe l´objet, non ses origines. Option iconoclaste et potentiellement riche, mais qui repose sur une base fragile : elle implique que l´objet créé fasse sens. Ou du moins qu´il parle à celui qui le contemple. Ce qui malheureusement est loin d´être le cas de certains titres de Soderbergh, et particulièrement de son dernier en date.

On pourra toujours rétorquer que The Good German trouve son intérêt dans les mensonges et mystères qui le constituent à plus d´un titre. Imitation d´un film de genre, il met en scène des personnages implacablement voués à la dissimulation et à la trahison. Il serait une nouvelle variation autour de la notion de faux. Mais quand bien même cette voie serait consciemment suivie par le cinéaste, il manque un élément essentiel à toute oeuvre souhaitant faire lien avec son public : la puissance de fascination. George Clooney, Cate Blanchett et consorts jouent et même sur-jouent. Tout ici est clinquant, brillant, dans tous les sens du terme. Le pouvoir du cinéma s´expose en permanence (convoquant autant le glamour d´Hollywood que la noirceur du néo-réalisme), mais d´une manière si fabriquée et si attendue qu´il est en permanence désamorcé. On regarde la virtuosité, on l´admire, sans jamais être touchée par elle.

Cette virtuosité ne nous atteint en rien car au fond, elle semble se croire supérieure à son modèle. Steven Soderbergh prétend moderniser par le fond la forme des films américains des années 40, qui n´aurait été que transparente et superficielle. Voilà une erreur qui confine à la prétention. Le cinéma de ces années-là aurait été bloqué par les différentes censures qui l´entouraient ou le nourrissaient ? Vue grossière qui ne tient pas compte de la subtilité des oeuvres d´antan, suffisamment agiles pour se jouer des interdits et dire ce qu´il fallait au moment où il le fallait. Cette manière de voir est presque une réécriture de l´Histoire, en tout cas un leurre nous méprenant sur la richesse du cinéma américain, réduit ici à une succession de codes et d´archétypes froids et sans saveurs.

Soderbergh nous propose donc un film qui salue ses origines tout en souhaitant les dépassant. Cette volonté est d´autant plus présomptueuse que la soi disant transparence de la mise en scène hollywoodienne sert ici de support au pire des maniérismes. The Good German, c´est l´art qui s´expose lourdement, dans toute sa fatuité. Cet affichage contredit la vanité de toute forme suggérée par la versatilité du cinéaste. Et il inverse la simplicité des origines, dont il est une sorte de trahison. Avant on faisait peu pour dire beaucoup ; aujourd´hui on fait beaucoup pour dire peu. Autrement dit, le dernier Soderbergh gesticule et brasse du vide.

Titre original : The Good German

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Durée : 105 mn


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