Sans pathos
Pour ce premier long-métrage, Mariano Biasin s’est penché sur une histoire vraiment très peu originale puisque cent fois abordée dans nombre de films : l’attirance d’un adolescent envers son meilleur ami. Mais, ici, le traitement de l’histoire est d’abord très honnête et le film ne se pose ni comme donneur de leçon, ni même comme détenteur de la vérité. A aucun moment, le réalisateur ne prend position pour louer ou condamner le jeune en question qui, le jour où il a réalisé qu’il désirait son meilleur pote, a vu sa vie basculer puisqu’il a quitté sa petite amie et s’est torturé, partagé entre son désir et la peur de perdre un ami pour toujours. Sublime est en ce sens un film honnête parce qu’il se contente de décrire précisément une situation en en montrant toutes les facettes. Du reste, le titre du film que le réalisateur lui-même avoue ne pas pouvoir expliquer, pourrait s’entendre justement dans le sens de sublimation car c’est en fait ce que certains psychanalystes conseillent à leurs patients qui aiment quelqu’un sans retour. Cet état est sans doute l’une des pires choses qui puissent arriver à une personne sentimentale, qu’il s’agisse d’amour ou de désir hétéro ou homosexuel. Manuel, 16 ans, a une vie tout ce qu’il a de banal dans cette petite ville côtière d’Argentine où il va à la plage, joue comme bassiste dans un groupe de rock avec ses copains et flirte avec sa copine. Une vie basique, dans une famille aimante, qui sombre tout à coup dans le drame parce qu’il se rend compte que l’amour ou le désir qu’il ressent pour Felipe est sans doute plus fort que tout et le fait souffrir car il ne sait ni comment le manifester, ni même s’il doit le confier.
Des ados banals
Ce drame est bien mis en scène déjà par l’utilisation de jeunes gens qui ne sont pas professionnels et qui, pendant les trois confinements dus à la covid, ont dû être renouvelés parce qu’ils avaient grandi. Le fait de les choisir particulièrement banals, ni beaux, ni laids, mais tout à fait quelconques est bien évidemment un plus pour le film car le spectateur peut ainsi s’identifier plus facilement et réaliser que ce genre de situation peut arriver à tout le monde et n’est pas seulement réservée aux jeunes gens efféminés des centres ville ou à une certaine catégorie de jeunes gens. Non, Felipe, Manuel et tous leurs copains musiciens sont des gars bien ordinaires, et les copines ne sont pas non plus des pin-up. En revanche, s’il fallait trouver un bémol, on pourrait dire que la famille et l’entourage sont particulièrement permissifs, ouverts et nullement hostiles à l’homosexualité et, du coup, on peut avoir un peu de mal à comprendre pourquoi le pauvre Manuel se torture à ce point. Mais le réalisateur explique que c’est aussi voulu, d’une part parce qu’il trouve que les mentalités ont vraiment évolué en Argentine et que ce choix corrobore encore le fait de ne pas vouloir mettre en images une tragédie. Manuel souffre plus de la peur de la perte que de sentir homosexuel.
La vie d’un petit groupe de rock
C’est bien sûr un premier petit film, sans grande inventivité ni ambition, mais il a le mérite de rester tout du long d’une grande sincérité avec une bonne direction d’acteurs, une belle photographie due à Iván Gierasinchuk et une ambiance musicale choisie, d’autant que les adolescents font partie d’un groupe de rock et que le film se termine par un concert de retrouvailles et de réconciliation. « Pour cela, déclare le réalisateur dans le dossier de presse du film, nous avons fait un travail méticuleux avec le compositeur Emilio Cervini, pour trouver le type de chansons, le type de paroles, le type de sonorité pour chaque moment musical du film. » Rappelons au passage que Mariano Biasin est aussi musicien et parolier.