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Si le vent soulève les sables est l´histoire d´une dernière chance. Celle d´une famille africaine que le manque d´eau contraint à quitter son village dans l´espoir de s´installer près d´une source dont la localisation reste incertaine. Rhane, son épouse Mouna et leurs trois enfants s´engagent alors dans un périple vain avec pour seule richesse leur chameau et quelques brebis et chèvres. L´exode forcé et désespéré de cette famille la mène à affronter l´enfer du désert, où la guerre et l´aridité forment un étau fatal qui se ressert lentement sur elle.
Est-ce toujours l´intention qui compte ? Dans le monde merveilleusement critique du cinéma, rien n´est moins sûr. Si le vent soulève les sables est un long-métrage franco-belge à la volonté profonde de réveiller nos consciences sur un thème aussi brûlant que le réchauffement climatique et ses conséquences. Le but est d´interpeller sur le manque d´eau croissant. Point. Le sujet est bien sûr des plus nobles, mais comment ne pas voir dans ce film à vocation universelle un énième point de vue ethnocentriste sur l´Afrique ? Les dialogues en français sonnent parfois trop << théâtraux >> voire pas assez justes et le flou entretenu autour de l´identité du pays et de la guerre en question pourrait être vu comme une tendance maladroite à amalgamer l´ensemble des pays africains sans tenir compte de leurs différences pourtant évidentes.
L´entretien des clichés sur l´Afrique serait-il un instrument de l´universalisme du film? Assurément non. L´auteur originel de Si le vent soulève les sables, Marc Durin-Valois (dont le livre Chamelle, a été adapté) précise clairement ses intentions : << la culture de la différence est aussi la culture de l´indifférence >> . L´intemporalité du film semble en effet nécessaire à l´impact du message principal : chacun d´entre nous peut un jour être amené à vivre pareille situation. L´eau n´est pas une denrée infinie dont les pays développés peuvent jouir éternellement. Et Marion Hänsel s´est attachée à filmer l´Humain face à lui-même et non un africain parmi d´autres face à des problèmes qui ne concernent que son pays.
Le spectateur se retrouve finalement dans la même situation que cette famille : abandonné dans le désert, il subit impuissant, le déchirement des pertes humaines qui s´additionnent, la frayeur permanente causée par cet inconnu hostile qui l´entoure, le désert, ainsi que le poids de ce voyage tragique. Si la pudeur de la caméra s´interdit toute vision insupportable de la mort, plusieurs scènes frappantes resteront dans les esprits. L´impuissance éprouvée par Rahne (émouvant Issaka Sawadogo) lorsque lui et sa famille croisent sur leur chemin un adolescent agonisant seul, sous un soleil mortel, rappelle un peu notre impuissance à l´égard des souffrances qu´endure le continent africain. Quant à la petite Shasha (impressionnante Asma Nouman Aden) elle représente l´once d´espoir de l´histoire. C´est elle qui occupe le tout premier plan du film. Epargnée par sa mère à la naissance, la fillette apporte la fraîcheur qui aurait pu manquer au film. Son personnage permet d´ailleurs au scénario de ne pas sombrer dans le pathos.
La réalisation de Si le vent soulève les sables s´articule dans la continuité de cette volonté universaliste chère à la cinéaste. La pureté de l´image fait s´entrechoquer dans un contraste inouï, la beauté cruellement sereine du paysage et la douleur de cette famille. Si la mise en scène des personnages ressort évidemment comme une construction peut-être un peu grossière de l´Afrique, Marion Hänsel offre au spectateur occidental une expérience humaine pas si éloignée de lui. Le message a l´honnêteté de ne s´attaquer qu´à un débat à la fois. Le choix de la réalisation, sobre et en langue française en fait une oeuvre clairement accessible au jeune public. Et si la << mission >> dont ce film s´est investie n´est finalement qu´une << goutte d´eau dans le désert >>, songeons que s´en est au moins une.