Scratch Expanded : du 15 au 18 septembre 2010

Article écrit par

Amateurs de nuits blanches et de couleurs : le collectif Light Cone organise chaque année un cycle de projections, clôturé par une soirée de performances cinématographiques.

A la mi-septembre, aux abords de la BNF, les noctambules chanceux peuvent admirer les lueurs étranges sorties d’une basse-fosse… Nul besoin de jumelles : ce n’est pas un OVNI… Les gousses d’ail sont inutiles : météo automnale oblige, les spectateurs sont froids mais bien vivants.

Aux Voûtes, chaque année, l’association Light Cone, distributeur et diffuseur mythique de cinéma expérimental organise des performances, prouvant que le cinéma peut déborder des cadres parfois confinés dans lesquels l’industrie du spectacle l’a cantonné. Un peu d’histoire, mais pas trop : à l’origine le « Preview show », sur lequel se greffent les soirées « Scratch Expanded », était avant tout destiné à un public de programmateurs européens soucieux de se tenir au courant des nouveautés de la collection de Light Cone, qui s’agrandit chaque année. Depuis quelques années, des soirées de projections sont organisées tout au long de ces quatre jours.

Mercredi, au cinéma Action Christine, Warren Sonbert, pionnier underground, ouvrait le cycle avec ses portraits sixties à la mode Beat : Amphetamine et ses gays « speedomanes » sur fond de « Baby Love » invoquaient immédiatement l’écrivain William Burroughs… Evidemment plus pour les seringues que pour les Supremes ! Cinéphile, Sonbert ne manque pas non plus de semer partout les références à des mastodontes plus familiers comme Hitchcock, Douglas Sirk ou Preminger. Un cinéaste sans œillère, donc, entre Andy Warhol et la publicité, entre le sublime et l’ironie. Caméra à l’épaule, les reflets de Sonbert jouent à cache-cache dans les miroirs, dans des chroniques pop aussi narcissiques qu’humanistes. Le meilleur exemple : The Bad and the Beautiful, véritable concert de bonheurs conjugaux à se taper la tête contre les murs : trente quatre minutes de musique Motown sucrée, de petits déjeuners ensoleillés, de ruades, de roulades, d’embrassades aussi cinégéniques qu’insupportables. « Ricoré » n’aurait pas rêvé mieux, Sonbert l’a fait avec humour et délicatesse : en 1967… les débuts marquants de sa carrière aussi riche qu’originale.
 
 

Warren Sonbert, Hall of Mirrors ; Rose Lowder, Voiliers et Coquelicots

Après une carte blanche aux Archives du Film Expérimental d’Avignon et une spéciale Rose Lowder, consacrée à la cinéaste impressionniste, l’envol d’un ruban de pellicule arrimé à un ballon rouge dans le ciel du XIIIe arrondissement (Peter Miller, Fulcrum I, II, et III) lançait l’ouverture d’une dernière soirée consacrée à la performance qui explose la rétine. Avec Pie Pellicane Jesu Domine, Bruce McClure, affairé derrière ses projecteurs, a choisi le jeu du négatif inversé à répétition, sur partition vibrante quasi-intestinale : deux pélicans/un homme-oiseau-garou s’entredévorent au fil des alternances de teintes. Noir et … orange ? Disons plutôt couleur de l’Enfer, dans une danse macabre infinie, à la frontière entre la gravure et le cinéma, parfait dans l’espace sépulcral des Voûtes. Le peintre Goya en aurait probablement fait un caprice*… Blague pédante mise à part, calmement contemplatif, Paul Clipson, de son côté, avec Lightmaze, a opté pour la construction d’un espace de navigation virtuelle à base de paysages nocturnes, reflets, enseignes lumineuses, et autres lampadaires, afin que nous puissions faire l’expérience immobile du rêve du moucheron, accompagnés par la musique de Dominique Pichon. Il fallait veiller tard pour assister aux deux autres performances de Bruce McClure et Paul Clipson, à l’honneur ce soir là.
 
 

Paul Clipson, Lightmaze

En plein air, en parallèle à ces évènements, pour les affamés : des projections, toujours. Des grands classiques de l’avant-garde en 16mm, comme Manhatta (1921), de Paul Strand & Charles Sheeler, ou encore Großstadt Zigeuner (1932), de Laszlo Moholy-Nagy – sur les tziganes, c’était le moment ou jamais compte tenu de l’actualité politique –, aux vidéos récentes de jeunes cinéastes indépendants comme Yves-Marie Mahé et François Rabet : l’éventail était large.

A ceux qui restent sur leur faim, pour nous, mission accomplie : il suffit de se rendre aux prochaines projections Scratch, une fois par mois à l’Action Christine, ou ailleurs…

Le site : ici

* Les Caprices de Goya regroupent une série de gravures en clairs obscurs, fantastiques, morbides et grinçantes : avis aux romantiques.


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi