Retour de flammes

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Comédie sentimentale réussie sur un couple de quinquagénaire qui cherche un nouveau souffle.

On se marie, on fait des gosses et puis un jour ils s’en vont. Alors on se retrouve à deux, comme autrefois, comme un jeune couple, les rêves en moins et les genoux douloureux en plus. Marcos (Ricardo Darín) et Ana (Mercedes Moran) sont mariés depuis 25 ans. Le jour où leur fils rejoint l’Espagne pour y étudier et s’envoyer en l’air avec une « vietnamienne aux seins d’italienne », ils se disent qu’il est peut-être temps pour eux d’en rester là. Besoin de nouveauté, envie de séduire, ras-le-bol des enchiladas coutumiers : leur séparation se fait dans le plus grand des calmes et par le plus commun des accords. Retour à la case départ pour les deux quinquagénaires, qui réalisent alors qu’il n’est pas si facile de bâtir une relation lorsque tous ses rêves sont derrière soi.

 

 

Tinder, Fitness Park et autres merveilles

Vous êtes-vous déjà retrouvés en compagnie d’un parfumeur possédant des lézards mais pas de slip ? C’est dire si l’humour de Retour de Flamme repose en grande partie sur ses situations ! Tantôt réalistes, tantôt ubuesques, la plume des scénaristes y est toujours incisive, et les dialogues très justes. Portés qui plus est par des acteurs dont le talent n’est plus à prouver : souvenez-vous notamment du pauvre type persécuté par la fourrière dans Les Nouveaux Sauvages, de Damián Szifrón. Pauvre type qui finissait en outre par tout faire exploser. Alors autant vous le dire tout de suite, Ricardo Darín ne dynamite rien dans Retour de Flamme (bien que le titre fût assez propice à la chose). Son jeu n’en demeure cependant pas moins jouissif et lui fait, à défaut de péter les plombs, crever l’écran. Mercedes Moran n’est elle non plus pas en reste, et le tandem des deux acteurs fonctionne tant dans le rire que dans l’émotion.

Se retrouver seul(e) après 25 ans de vie commune est une mésaventure courante de nos jours. Ce qui l’est moins, c’est le flegme avec lequel nos deux protagonistes prennent leur décision. Certains se font assurément plus violence lorsqu’il s’agit de choisir un parfum de glace. S’ensuivront alors les joies du célibat, entre salle de sport et applications de rencontre. Les années passent, la barbe de leur fils pousse (en témoignent les échangent qu’ils ont avec lui via Skype – mais d’ailleurs, ne rentre-t-il donc jamais ?), et les conquêtes s’accumulent. Cependant Marcos et Ana ne se sentent pas vraiment heureux, comme si quelque chose leur manquait. Or cette chose n’est autre que : « le harpon de Moby Dick ».

 

 

Le harpon de Moby Dick

Rien que ça. Quelques éclaircissements s’imposent.

Dans le salon de Marcos et Ana, une bibliothèque. Au-dessus de cette bibliothèque, un harpon soutenu par deux patères. Relique achetée des années auparavant par Marcos, il trône ainsi, surplombant au quotidien la petite famille. Lorsque vient l’heure du déménagement, rien n’y fait : impossible de le décrocher.

Marcos et Ana ne s’aiment plus. Du moins, ils n’éprouvent plus aucune passion l’un pour l’autre. Mais 25 ans de mariage ne s’effacent pas du jour au lendemain, et leur attachement demeure. Cet attachement, c’est le « harpon de Moby Dick », comme aime l’appeler Marcos. Un sentiment de confiance en l’autre, permis par une parfaite connaissance de ses qualités et de ses défauts. Pas de jugement, pas de tabous. Bien qu’ils tentent vainement de recréer cela avec des inconnus, Marcos et Ana comprennent qu’il est aussi difficile d’allumer une nouvelle flamme que d’en éteindre une qui perdure depuis tant d’années.

Titre original : El Amor menos pensado

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Durée : 129 mn


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