"Cette histoire de caméléon en quête d’identité, qui plus est dans un western, l’a tout de suite intéressé.
Rango n’aurait pas été le même sans sa participation, et grâce à sa présence au casting, j’ai pu travailler librement sur le film pendant un an et demi, sans la pression des studios" confiait le réalisateur lors de la conférence de presse parisienne. "La mise en abyme de Johnny interprétant un héros lui-même acteur, la référence aux pièces classiques de Homère ou de Shakespeare ont rendu ce projet encore plus jouissif. La méthode de travail sur un film d’animation est très particulière, puisque sur trois ans et demi de préparation, j’ai seulement passé vingt jours avec mes acteurs. Cependant, pour capter au mieux leurs émotions et leur énergie, j’ai utilisé le dispositif Emotion Capture qui tranche avec les règles traditionnelles du doublage" expliquait-il. Ne se limitant pas à ce procédé, Verbinski est même allé jusqu’à faire construire des décors (un saloon notamment) et a demandé à ses comédiens d’enfiler des costumes de western et d’utiliser des accessoires pour jouer les scènes. "Contrairement à la plupart des films d’animation, nous n’étions pas seuls dans une cabine de studio pour enregistrer nos voix, mais sur un plateau avec des prises de vue réelles. C’était génial pour l’interaction entre les acteurs" confirmait Abigail Breslin, découverte dans Little Miss Sunshine, et qui campe ici le rôle de la jeune souris Priscilla. Effectivement, cet étonnant travail d’interprétation porte ses fruits et compte pour une bonne part dans la cohérence de l’ensemble.
Verbinski revisite l’histoire du cinéma à l’échelle animalière : le serpent façon Robert Rodriguez ou les taupes qui évoquent les vieux classiques de guerre (La Grande Evasion). Et si à bien des égards Rango dépasse le cadre du dessin animé familial, sa direction artistique soignée (les trognes incroyables de chaque personnage) et son animation d’une beauté saisissante lui donnent un cachet remarquable qui, pour le coup, devrait convaincre petits et grands.

Plus qu’un simple pastiche, Rango EST un pur western. Moins orienté vers les classiques fondateurs du genre, le film lorgne clairement vers le style spaghetti du point de vue de son univers formel et les meilleurs westerns crépusculaires par l’atmosphère qui s’en dégage. Preuve en est avec le point d’orgue du film, un caméo ultime et jouissif de l’homme sans nom… "J’apprécie particulièrement les films post-modernes, ceux de Peckinpah par exemple, où les mythes s’effondrent, où les vieux cow-boys sont devenus inutiles à cause de l’arrivée du train" confirme Gore Verbinski. Le soin apporté à cette ambiance très particulière commence par la trame sonore d’un Hans Zimmer en grande forme, à mi-chemin entre Morricone et Beltrami. Cette remarquable toile de fond musicale fait écho aux intermèdes drôlissimes interprétés par des chouettes aux allures de mariachis. Car le réalisateur n’oublie pas les débordements burlesques et décalés qui faisaient déjà mouche dans Pirates des Caraïbes.
La portée politique et le message écolo s’avèrent discrets mais étonnamment efficaces. Sans être un pamphlet anti-capitaliste, le film ne manque pas de suggérer, crise économique oblige, le rôle douteux des banques dans cette affaire (en l’occurrence celle de la ville de Dirt est responsable du vol des économies de ses habitants). L’eau, denrée rare détournée pour alimenter les excès consuméristes de Las Vegas, la cité du vice, constitue le noeud scénaristique du film, comme le symbole d’un système qui court à sa perte.
Mais cela ne doit pas empêcher de prendre Rango pour ce qu’il est avant tout, un divertissement original et riche, truffé de blagues pimentées, un western aux accents oniriques voire mystiques, et un hommage d’une grande justesse. Verbinski aime le cinéma et ça se voit. Si on met de côté le petit coup de mou sur la fin, il livre une oeuvre qui marque de son empreinte ce premier trimestre au cinéma. Et qui sait, peut-être l’année 2011…
