Psycho (Gus Van Sant, 1998)

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En 1998, Gus Van Sant rénove une vieillerie de 1960 en noir et blanc.

« En apprenant qu’il y aurait un remake de Psychose, j’ai pensé : impossible ! Si quelque chose n’a pas déraillé, n’essayons pas de le réparer ! » (1)

Le très bon documentaire Psycho Path, présent en bonus sur le dvd de Psycho de Gus Van Sant, a la bonne idée de montrer les réactions (vraies ou fausses, on n’est jamais vraiment certain avec Van Sant, sans doute un mélange des deux) des gens lorsqu’ils apprirent qu’un réalisateur avait décidé de faire un remake du Psychose d’Alfred Hitchcock. Il y a trois groupes : les « oh oui, c’est génial, vive Gus, il est trop fort ! » (la production, les collaborateurs de Van Sant, certains proches d’Hitchcock, certains journalistes), les « c’est un scandale, comment ose-t-il !» (certains proches d’Hitchcock, des universitaires, certains journalistes dont Michael Musto du Village Voice au grand potentiel comique) et le troupeau des petits jeunes qui passaient par là, disent ne pas connaître le film, mais semblent très joyeux. La plus sage dans l’histoire est la fille du maître du suspense, Patricia Hitchcock, qui joue la seconde employée de l’agence dans l’original : « Ce n’est qu’un film ! »

Globalement, la réaction à l’annonce du projet du réalisateur, à qui on avait jusque là rien à reprocher, a plutôt été la levée de boucliers. Devant un remake, il y a toujours un doute quant à la sincérité du projet, tant le terme est relié à la possibilité de faire de l’argent en retapant un vieux machin oublié. Issu de to remake (refaire), comme son nom l’indique, il s’agit à l’origine pour le remake de reproduire avec de nouveaux acteurs la première version d’un film, souvent à succès (histoire de, peut-être, le prolonger) mais pas uniquement. Dans les premiers temps du cinéma, cette notion existait sans que l’on en ait encore conscience. Les négatifs n’étant pas conservés car abîmés par les tirages, on préférait retourner les films (2). Par la suite, le remake relève souvent d’une stratégie économique. On retourne soit un film de répertoire en le modifiant, ou bien un film dit mineur ou peu connu comme partition inaboutie que l’on améliore.

Si le remake est une pratique courante, même chez les plus grands (La Rue rouge de Fritz Lang étant par exemple un remake de La Chienne de Renoir), on s’attaque rarement à la pièce maîtresse d’un grand réalisateur. Encore moins quand il s’agit d’un monument du cinéma. Alors, Gus Van Sant complètement inconscient ? Pas sûr, tant son Psycho semble être autant un hommage qu’un objet méta-critique murement réfléchi, aussi bien qu’un joli pied de nez aux studios et à l’ensemble de la profession.

Refaire Psychose ?

En 1998, Gus n’est pas encore tout à fait Van Sant. La reconnaissance critique est là, le grand public commence à le découvrir avec Prête à tout (1995) et surtout Will Hunting (1997), qui bénéficie de la présence de Robin Williams et de deux futurs jeunes premiers : Matt Damon et Ben Affleck. Après chacun de ses films, Van Sant se voit proposer par son studio (Universal) de faire le remake d’un des vieux machins de leur stock. Ça ne coûte pas cher et ça n’engage à rien. Systématiquement, le réalisateur leur propose de refaire Psychose et se heurte à chaque fois à une fin de non-recevoir. Jusqu’au succès surprise de Will Hunting. Les oscars et les dollars, ça rassure. Voilà donc Gus à la tête du pari/projet de refaire quasi à l’identique ce film monstre. Pour parer aux critiques qui ne manquent pas dès l’annonce du film, Gus Van Sant joue gentiment l’innocent cinéphile et philanthrope : « On a coutume de penser que le cinéma est un art récent et que pour cela, il n’y a aucune raison de faire des remakes de films. Mais le cinéma vieillit, il existe un public de plus en plus important qui ne voit pas les vieux films en noir et blanc. » (3) Pour sauver les films de l’oubli, pas la peine de les restaurer, autant les refaire. Scorsese a dû apprécier… Pourtant, au vue de l’histoire du cinéma, l’idée a du sens.

Van Sant ne part pas de rien. Psychose lui a déjà traversé l’esprit et en tant que tel son remake a déjà été commencé quelques années auparavant. En 1979, il adapte la séquence de la douche dans une fausse publicité pour le Our Lady of Theater Group. Cela donne le génial Psycho Shampoo. Mais surtout, ce que Van Sant a dû voir, ce sont les expériences des artistes émergents dans la décennie 1990 et dont les installations vidéos entretiennent des liens étroits avec le cinéma, celui d’Hitchcock notamment. Celles de deux artistes en particulier. Avec 24 Hour Psycho en 1993, l’artiste écossais Douglas Gordon ralentit le défilement de Psychose pour allonger le film à une durée de vingt-quatre heures. Pour Remake (1994-1995), le français Pierre Huyghe retourne à l’identique Fenêtre sur cour avec des acteurs amateurs en banlieue parisienne. S’il s’agit pour eux de se confronter à un monument du cinéma, ces artistes recherchent bien autre chose que l’hommage à l’original ou l’exploitation commerciale. Dans les deux cas, la fiction est rendue inopérante. D’un côté, la lenteur des images fait que la narration est impossible à reconstituer, de l’autre l’œil est attiré et dérangé par les écarts constants d’avec le modèle original. « Par rapport à son double commercial, le remake apparaît comme une irruption gratuite, sans raison ni devoir-être quelconque » écrit Jean-Christophe Royoux (4). Sa pratique tend à radicaliser le procédé en faisant un décalque du film envisagé. Transposant l’objet filmique d’un espace-temps à un autre, il emmène ainsi le spectateur dans un terrain connu et peut alors exploiter les ressources offertes par cette fiction.

  

A tout ceci, il faut ajouter un élément qui est loin d’être un détail : Hitchcock a lui-même fait le remake d’un de ses films. Il tourna ainsi deux versions de L’Homme qui en savait trop, l’une en Angleterre en 1934 et l’autre aux Etats-Unis en 1956, passant ainsi du noir et blanc à la couleur. Le choix de Psychose comme source pour un remake s’avère finalement moins surprenant qu’au premier regard.

« Ce qui est intéressant dans la forme du remake, c’est la possibilité de réactiver un modèle. On peut ainsi produire un film dont le sujet n’est plus la narration, puisque celle-ci est " connue " et qu’elle implose au profit de l’interprétation. Ce qui apparaît alors, c’est la façon dont les acteurs vont interpréter. » (5)

C’est entièrement le cas avec ce Psycho et c’est ce qui rend l’expérience aussi surprenante qu’intéressante. Hormis pour un spectateur n’ayant jamais vu l’original, il y a une sorte d’impossibilité totale à regarder le film pour lui-même. Un va-et-vient incessant s’opère dans l’esprit du spectateur entre le nouveau et l’ancien film. Ainsi (re)raconter l’histoire de Psycho n’a que peu d’intérêt. Marion Crane est toujours amoureuse, elle vole encore une fois l’argent de son patron, réfléchit à nouveau beaucoup dans sa voiture avant de se faire dézinguer dans un motel par le même psychopathe que quarante ans auparavant. L’enquête piétine aussi mollement avant que Norman Bates ne soit confondu. Van Sant ne fait pas dans la demi-mesure. Il remake à l’identique, suivant pas à pas, plan par plan son modèle. Tout est refait, reproduit : même la musique, sous la houlette de Danny Elfman, même le caméo d’Hitchcock au début du film. Van Sant tend un miroir à Hitchcock. Forcément, ce miroir est déformant.

Plus que les ressemblances, ce sont bien évidemment les changements qui importent le plus. Le plus directement choquant ? Le film est en couleur. On imagine rarement les couleurs qui se dissimulent derrière le noir et blanc de nos classiques. Quand on découvre des photos de tournage en couleurs d’un film en noir et blanc, il y a une sorte d’incrédulité et de vulgarité qui s’en dégagent. Elles brisent un peu de l’aura du film, qui en perd de son innocence. Derrière la perfection du monde qui défile à l’écran, il y a la réalité du travail et du tournage. Une part de cette vulgarité colle à Psycho 98. Bien qu’atténuée (Van Sant s’est entouré de Christopher Doyle comme chef op), les couleurs semblent criardes, trop présentes, fausses. Tout simplement car elles ne correspondent en rien à nos souvenirs de l’original. Le deuxième écart le plus visible, ce sont les acteurs. Ce ne sont évidemment plus les mêmes. Van Sant ne les a pas choisi pour une quelconque ressemblance avec les interprètes originaux. Il n’a pas non plus cherché à les rendre physiquement plus proches. Marion Crane, fausse héroïne du film, voit ainsi sa coupe sérieusement rafraichie dans la version de 1998. Au casting, Anne Heche remplace Janet Leigh en tant que Marion Crane ; le Norman Bates d’Anthony Perkins est incarné par Vince Vaughn ; son petit ami Sam Loomis, de John Gavin devient Viggo Mortensen; Julianne Moore s’empare de Lila Crane, rôle tenu dans l’original par Vera Miles ; et William H. Macy devient le détective Milton Arbogast à la place de Martin Balsam.

En ce qui concerne le scénario, la différence la plus frappante est le déplacement de l’action dans le monde contemporain. Le film ne débute pas le 11 décembre 1960, mais le 11 décembre 1998. C’est une nécessité. Psychose s’ouvre sur un plan aérien de Phoenix. La ville a bien trop changé pour qu’on puisse faire passer le Phoenix de 1998 pour celui de 1960. Van Sant joue justement de ce basculement du film dans le contemporain. Une partie des dialogues elle-même a été actualisée car, déplacées en 1998, certaines répliques ne fonctionnaient plus.

Il en va de même pour la technique. Psycho 98 se tourne avec des moyens techniques qu’Hitchcock n’avait pas. On évoquait il y a quelques semaines les problèmes liés à une récente et éventuelle sur-restauration de la bande sonore de Psychose, qui aurait désormais un "potentiel plus fort que ce que les spectateurs ont vu à l’époque." En un sens, le Psycho de Van Sant part du même principe – excepté bien sûr qu’il ne porte en rien atteinte à l’intégrité physique de l’original. En presque quarante ans, la technique a considérablement changé. Van Sant a pu ainsi réaliser la séquence initiale d’une manière qu’Hitchcock s’est sans doute plu à imaginer, mais sans pouvoir la mettre en place : la caméra se déploie depuis le ciel jusqu’à la fenêtre de la chambre d’hôtel et pénètre dans la pièce en un seul plan, sans coupes au lieu du fondu de l’original.

Psycho 98 part d’une volonté de pousser le film au bout, à bout, jusque dans ces derniers retranchements. Au-delà de seules « améliorations » techniques, au cœur même de l’image et du récit, les choses semblent aller plus loin, s’exagérer, dépassant une éventuelle finesse originelle. Psycho 98 n’est pas fin, il refuse de l’être. Le film est littéral, sans sous-entendus. Quand Sam Loomis (Viggo Mortensen) sort du lit au début du film après avoir couché avec Marion Crane, il est nu, ce qui aurait été impensable en 1960. Dans la scène où Norman Bates regarde Marion se déshabiller à travers un trou ménagé dans le mur, l’allusion sexuelle tangible chez Hitchcock disparaît. Van Sant ne fait pas d’allusions, il montre. On devine donc à l’image et on entend Bates se masturber. Sans équivoques possibles. Ce qui n’était que suggéré – car immontrable – devient visible. Si on choisit de profiter des perfectionnements techniques, pourquoi en effet ne pas faire de même avec l’histoire ?


Psycho 98
n’hésite d’ailleurs pas à mettre le doigt sur sa contemporanéité avec un plaisir évident. Le trouble surgit face à certains costumes, les vitres électriques d’une voiture ou la présence d’un walkman. Tous ces éléments qui ne pourraient pas faire partie de l’original. Le personnage de Lila Crane est une sorte de trouée dans le film. C’est sans doute celui qui s’écarte le plus de l’original. Julianne Moore fait de la sœur un personnage plus volontaire, walkman sur les oreilles et musique à fond, dégaine masculine, un énorme trousseau de clefs pendant qui fait du bruit quand elle marche comme pour rappeler à quel point elle n’est pas Vera Miles. Elle l’atteste carrément lorsqu’elle dit à un moment : « Je prend mon walkman. »

Tout ceci fait qu’au final on ne regarde jamais réellement Psycho. Jamais uniquement pour lui-même en tout cas. Le récit apparaît comme bien trop secondaire, occupés que nous sommes à comparer, à observer les changements, les différences, voire les nouveautés, par rapport à l’original. Car, à défaut de regarder simultanément sur deux écrans le film d’Hitchcock et celui de Van Sant, Psycho 98 est une torture pour le cinéphile tant on se demande sans cesse si les choses se déroulaient exactement ainsi, si ce plan n’était pas tourné différemment, voire si celui-là n’existait tout simplement pas. D’ailleurs y-avait-il cette splendide volière dans le sous-sol de Bates et le bruit des oiseaux en off ? Chaque nouvelle vision du film apporte son lot de questions, à chaque fois différentes. En cela, il est proche de l’original et semble, comme lui, inépuisable. Van Sant, comme Hitchcock sont aux commandes d’un édifice pervers face auquel nous n’avons d’autres choix que de nous laisser enfermer et mener en bateau.

Ça et là, quelques images ne laissent aucun doute quant à leur existence dans l’original. Elles n’y sont parfaitement pas. Van Sant intègre au film des fausses images subliminales. L’image subliminale est d’une durée trop courte pour être décelée par l’œil, mais serait traitée par le cerveau. Si le recours à l’image subliminale est fréquent dans la pub et la sphère politique, il l’est aussi évidemment au cinéma. L’image subliminale est sensée renforcer, amplifier les émotions dans les thrillers ou les films d’horreur en particulier. Hitchcock les utilisait parfois, notamment dans Psychose, il est donc logique que Van Sant s’y emploie lui-aussi. Mais chez ce dernier, la durée de ces images est volontairement allongée pour les rendre brièvement perceptibles. On les décèle au moment des deux meurtres du film. Lors de celui de Marion Crane dans la douche, parmi les nombreux plans (la scène étant très découpée), on distingue nettement un plan de ciel nuageux. Et lors du meurtre du détective, on voit une femme nue masquée et un animal (un chien ou un mouton) sur une route. A l’étude précise du modèle, à sa déconstruction minutieuse s’ajoute alors un discours, plus ironique que dénonciateur, sur les qualités et l’efficacité de l’original.

L’inefficacité générale de Psycho 98 n’est donc pas subie, elle est voulue, recherchée. Le summum de l’épouvante n’angoisse plus, il ne dissimule plus les mécanismes de la peur, donc ne fait plus peur. Psycho 98 est en soi un behind the scene, un making of postérieur de trente-huit ans à Psychose.  Un making of ? On pourrait bien le croire. La fin modifiée du film en serait un indice de plus. Psychose s’achève sur la voiture de Marion qu’on repêche dans l’étang, s’arrêtant précisément lorsque l’arrière de la voiture émerge de l’eau boueuse. Psycho 98 prolonge la scène. Le tractage de la voiture continue, tandis que la caméra opère un zoom arrière élargissant le cadre et faisant ainsi pénétrer dans le champ d’autres voitures, des policiers… Tout un petit monde qui s’agite et plie boutique. Le film se termine, on a l’impression de voir l’équipe de tournage ranger le matériel, la caméra s’élevant pour montrer l’ensemble du "plateau". A l’écran, les hommes remontent en voiture, démarrent et s’en vont, laissant le cadre vide sur le paysage. En fond sonore, le thème du film est rejoué et adapté à la guitare par Bill Frisell, sur cette ultime signature de Van Sant contre Hitchcock.

Y croire ou pas

Mais, par-delà les inévitables questions qui surgissent face à l’objet nouveau, quelque chose de plus troublant s’esquisse à mesure que se déroule le film. Regardant constamment ailleurs, on a du mal à suivre l’histoire. Pire que ça, en fait : on n’y croit pas. Plus, en tout cas. Tout sent le faux, le rajouté, le joué et le surjoué, à l’image du mannequin de Mrs Bates ou du travestissement de Norman. Jouant quelque chose de déjà connu, les acteurs sonnent faux – ce qui ne veut pas dire qu’ils le soient réellement. L’écart avec l’original produit des effets presque comiques : la voix inutilement menaçante du policier qui surprend Marion endormie dans sa voiture par exemple, l’agitation qui suit chez le personnage dans la séquence suivante. Comme le reste du film, la scène de la douche paraît trop accentuée, irréaliste. On est face à une reproduction, une reconstitution. On ne peut s’empêcher de penser aux reconstitutions faites sur les lieux d’un crime par la police. Le temps semble ralentir et notre regard devient celui de l’enquêteur à la recherche de preuves et des rouages d’un crime bien huilé. Il y a quelque chose d’inquiétant à se dire qu’un film considéré comme l’un des plus importants de l’histoire du cinéma ne fonctionne plus. Psychose ne fonctionne-t-il que parce qu’il a été réalisé en 1960 ? Seulement parce qu’Hitchcock en assure la direction ? Ou alors ne fonctionne-t-il pas si bien que ça ? C’est le côté poil à gratter de Psycho 98 : il vous fait vous poser des questions aussi nombreuses qu’aberrantes.

Voulu ou pas, le jeu d’acteur se sent, s’impose comme du surjoué, du joué par-dessus. Il est une seconde strate de jeu sur une première existante et toujours présente à la mémoire. Le film n’est pas fait pour être crédible. Il ne tente pas de faire croire à une illusion de réalité. C’est peut-être l’attitude la plus rationnelle pour un remake. Puisqu’un film se donne comme une représentation du réel, le remake, lui, est donc éloigné d’un degré de plus du réel : il est la représentation d’une représentation du réel. La seule chose à laquelle il doit ressembler, c’est au film original, non à la réalité. Un remake qui ressemblerait à la réalité serait-il alors un échec artistique ? La fiction est vidée de son contenu narratif. Celui-ci, connu d’avance, ne constitue plus un vecteur d’hypnotisation pour le spectateur. La fonction d’identification traditionnellement contenue dans le cinéma narratif n’opère plus, la projection du spectateur sur ce qui se passe à l’écran n’a pas lieu. Le remake rejette sans arrêt le spectateur hors de l’écran, hors du film. On est constamment hors cadre.

L’impression de déjà-vu propre au remake colle ici à la peau des personnages. Tout semble montrer chez eux une préscience de leur sort. En fait, c’est le spectateur qui investit les nouveaux personnages de l’inévitable destin des anciens. La mort pour l’une, l’asile pour l’autre… Ils sont condamnés à reproduire à l’infini les mêmes actions et les mêmes erreurs. On pourrait dire que cela se produit déjà chez le spectateur regardant à nouveau un film déjà vu. Il en connaît les ficelles, peut ainsi lire l’histoire à rebours, voir les signes annonciateurs de la réussite ou de l’échec chez les personnages ou dans le dispositif de mise en scène. Sauf que dans le cas présent, il ne s’agit pas de revoir le même film, mais bien d’en regarder un nouveau. Un nouveau qui rejoue l’ancien. Les personnages ne sont alors que des imitations, des pâles copies, l’ombre déformée de l’original, qui le rejouent et se donnent en spectacle.

Un lointain souvenir, littéraire cette fois, se fait jour. Celui de L’Invention de Morel (1940) de l’écrivain argentin Adolfo Bioy Casares, dans lequel un dispositif holographique perfectionné rejoue en boucle sur une île désertée quelques journées de la vie d’un groupe de personne. Leur existence cyclique n’est pas réelle, et pourtant ils sont là. Ils ne sont que fantômes, mais rejouent sans fin leur partition, en roue libre, s’éloignant chaque fois un peu plus de leurs modèles. Gus Van Sant devient ainsi Morel, le maître des ombres, qui fait valser continuellement ses personnages tels des pantins qui redonnent jours après jours la même représentation, réinterprètent inlassablement le chef-d’œuvre. L’hommage est bien là : Psycho 98 est un monument aux morts.


(1) Une anonyme dans le documentaire Psycho Path.
(2) On peut lire sur ce sujet l’article « Rétroactions » de Philippe-Alain Michaud dans le catalogue de l’exposition Remakes sous la direction de Thierry Davila (Bordeaux : CAPC, 2003).
(3) Gus Van Sant dans Psycho Path.
(4) Jean-Christophe Royoux, « Remakes/sekamer », in Remakes, opcit., p.60.
(5) « My Own Private Psycho, rencontre autour de Psycho entre Pierre Huyghe et les Cahiers », Cahiers du Cinéma, n°532, février 1999, p.47

Titre original : Psycho

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Durée : 104 mn


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