Pour toujours

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Cinéaste militant de la cause gay, Ferzan Ozpetek en fait-il un peu trop ?

Bluette bien-pensante

Né à Istanbul en 1959, Ferzan Ozpetek s’est fait connaître en Italie, puis dans le monde entier, avec des films qui traitent avec pudeur et tact de l’homosexualité, notamment Hammam, Le Bain turc en 1997 avec Alessandro Gassmann présenté au Festival de Cannes dans la compétition de la Quinzaine des Réalisateurs. En 2008, le MoMa de New York consacre une rétrospective à son œuvre. Maintenant, dire que son dernier film, Pour toujours, restera dans les mémoires et les annales du cinéma mondial, c’est une autre histoire. Coécrit avec Gianni Romoli et Silvia Ranfagni, on peut déplorer ici que ce film ne soit malheureusement qu’une énième bluette présentant l’homosexualité masculine aux couleurs de la bien-pensance actuelle. Et c’est dommage de ne plus voir dans ce choix de vie que mariage, enfants, etc. tout ce dont rêvent les hétérosexuels finalement, et participant de la banalisation et non de la revendication. Où sont les artistes qui, il n’y a pas si longtemps encore, pensaient que l’homosexualité devait être révolutionnaire ? Ici, rien de tout cela et, du coup, le film devient d’une grande banalité et d’une grande sensiblerie même s’il est inspiré d’une histoire vraie qu’on ne va pas vous pitcher. La télévision et les journaux ayant pignon sur rue s’en chargeront mieux que moi.

Une histoire cousue de fil blanc

Entendons-nous bien : nous ne voulons pas dire par là que le film soit particulièrement mauvais. Il est très bien mis en images par Gian Filippo Corticelli, interprété par Stefano Accorsi (épatant parce qu’à contre emploi), Edoardo Leo (presque crédible en plombier gay) et Jasmine Trinca (d’une beauté et d’une présence indéniables) et, bien sûr, mis en scène par Ferzan Ozpetek qui n’a plus rien à apprendre du cinéma. Mais il ne nous réserve aucune surprise : à la fin la méchante châtelaine anti-gay est enfermée avec sa servante (on ne sait pas très bien pourquoi) à son tour dans le placard où elle martyrisait ses propres enfants. Bien sûr, la châtelaine est ruinée, aigrie, en bref une méchante carabosse qui ne s’est jamais occupée de sa fille, on s’en doute. Tout cela est tellement cousu de fil blanc qu’on finit par se désintéresser de l’histoire, sorte de mélo tellement attendu qu’il en devient presque vain. C’est très dommage, mais il semble acquis d’avance que Pour toujours trouvera son public de midinettes, ses critiques avec un bonhomme Télérama en extase, et des louanges dans les médias radiophoniques. Mais les bons sentiments sont-ils suffisants pour faire un bon film ?

Un happy end too much ?

On peut bien sûr se le demander même si le réalisateur est très fier d’avoir choisi de raconter l’histoire d’un couple en train de se défaire au lieu de se construire. Malheureusement, la fin du film avec son happy-end pire qu’hollywoodien ne le sauve pas mais contribue à activer la machine à faire pleurer dans les chaumières afin que la cause gay soit entendue. C’est à se demander si toute cette sollicitude n’est pas contre-productive. « Le drame doit toujours être accompagné d’un peu de légèreté », déclare Ferzan Ozpetek dans le soudier de presse du film. Et c’est bien de là que vient le problème de ce film.

 

Titre original : La dea fortuna

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Durée : 114 mn


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