Piranhas . Sortie Blu-Ray chez BQHL

Article écrit par

Des milliers de petits carnassiers bien plus impitoyables que Jaws. Un Joe Dante saignant comme on l’aime.

Une rivière proche d’un centre de loisir est en proie à une meute affamée de poissons carnivores, les autorités sont débordées, la terreur devient incontrôlable face à un phénomène contre-nature, la parenté avec Les Dents de la mer (Steven Spielberg, 1975)  nous saute immédiatement  en pleine figure. Malicieusement, Joe Dante transforme ce parallèle en sa faveur par des petits clins d’œil (ir) révérencieux dont le plus provocateur consiste à faire du titre de Spielberg un bénin petit jeu d’arcade. Les deux réalisateurs ont le même âge, mais Dante ne joue pas dans la même cours d’école que le grand faiseur de rêves hollywoodien. Dans la grande tradition de son producteur, Roger Corman, l’horreur est avant tout un spectacle qui ne doit pas ménager ses effets et encore moins servir de parabole. Après une introduction où un couple se fait dépecer dans une atmosphère d’épouvante – brume et pleine lune -, la mise en place des enjeux, un duo de lanceurs d’alerte (Bradford Dillman, Heather Menzies) face aux manœuvres et à l’incurie du gouvernement, toutes les palabres inhérentes au sujet tourneront court. Survival sur un radeau de fortune qui prend des airs de Délivrance (John Boorman, 1972),  lorsqu’un avant bras ensanglanté  surgit de l’eau, un carnage rapidement exponentiel, le petit musée des horreurs se déploie sur un rythme de train fantôme.

Pour Joe Dante comme pour John Landis, un autre garnement de cette génération, l’épouvante possède l’énergie débridée du Rock and Roll. Dans Piranhas comme dans Le loup-garou de Londres (joyau de John Landis, 1981), on prend le Monstre très au sérieux – ce dernier ne donnant pas sa part au chien – tout en multipliant les Private Joke. Preuve, si nécessaire de la culture et du respect du genre, Dante invite un Kevin McCarthy exorbité , tout droit sorti de L’invasion des profanateurs de sépultures (Don Siegel, 1956)  et une toujours aussi envoutante Barbara Steele (Icône du fantastique, chez Mario Bava notamment), pour incarner deux scientifiques pas très rassurants. Mais Dante n’est pas qu’un très efficace relayeur des traditions sanglantes du cinéma de genre, son appétence pour les petites créatures en font un marionnettiste au sadisme salutaire. Bien avant ses célébrissimes Gremlins (1988) ses piranhas de laboratoire – dans les quelques scènes où le plaisir nous est donné de les apercevoir dans leur entièreté – sont délicieusement maléfiques. Des inexpugnables Smalls Soldiers (1988), avant l’heure. Plus la panique devient incontrôlable, plus la mise en scène devient jubilatoire. Dans l’apothéose finale, une fête qui tourne au vinaigre pour son organisateur vénal, les veines viennent, grâce à l’ingéniosité des situations et des angles de vue, abondamment colorer l’eau déjà  impure du lac. Violemment agressés, les enfants s’en tirent néanmoins tous sains et saufs.  Les situations aquatiques offrent de belles opportunités de bikini voire moins de tissu, si possible. Le jubilatoire Piranha 3D (2010) d’Alexandre Aja a trouvé ici la meilleure des inspirations. Des petites bébêtes de cette nature on en redemande à chaque époque. On peut également vous conseiller de replonger dans La quatrième dimension (1983) qui réunit Dante/Landis/ Spielberg et George Miller,  belle réunion des voies empruntées par le fantastique et l’épouvante dans le Hollywood des eighties.

Piranhas . Sortie Blu-Ray chez BQHL

 

 

 

Titre original : Piranha

Réalisateur :

Acteurs : , , ,

Année :

Genre : ,

Pays :

Durée : 94 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

« L’étrange obsession » autopsie sans concessions et de manière incisive, comme au scalpel ,la vanité et le narcissisme à travers l’obsession sexuelle et la quête vaine de jouvence éternelle d’un homme vieillissant, impuissant à satisfaire sa jeune épouse. En adaptant librement l’écrivain licencieux Junichiro Tanizaki, Kon Ichikawa signe une nouvelle « écranisation » littéraire dans un cinémascope aux tons de pastel qui navigue ingénieusement entre comédie noire provocatrice, farce macabre et thriller psychologique hitchcockien. Analyse quasi freudienne d’un cas de dépendance morbide à la sensualité..

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

« Les derniers jours de Mussolini » adopte la forme d’un docudrame ou docufiction pour, semble-t-il, mieux appréhender un imbroglio et une conjonction de faits complexes à élucider au gré de thèses contradictoires encore âprement discutées par l’exégèse historique et les historiographes. Dans quelles circonstances Benito Mussolini a-t-il été capturé pour être ensuite exécuté sommairement avec sa maîtresse Clara Petacci avant que leurs dépouilles mortelles et celles de dignitaires fascistes ne soient exhibées à la vindicte populaire et mutilées en place publique ? Le film-enquête suit pas à pas la traque inexorable d’un tyran déchu, lâché par ses anciens affidés, refusant la reddition sans conditions et acculé à une fuite en avant pathétique autant que désespérée. Rembobinage…