À la veille de la Deuxième Guerre Mondiale, Miss Pettigrew (Frances McDormand), gouvernante londonienne aux mœurs conservatrices, se retrouve sans domicile ni travail. Forçant son destin, elle se fait engager chez Delysia (Amy Adams), jeune chanteuse et actrice opportuniste qui use et abuse de ses charmes auprès de la gente masculine pour décrocher la gloire. La rangée Miss Pettigrew est ainsi plongée dans un Londres glamour et libertaire que la réalité de la guerre ne semble pas concerner. Mais, au fil de leurs aventures d’un jour, malgré leurs différences, une relation complice va naître entre les deux femmes, une amitié sur fond d’histoires d’amours qui fera basculer leur destin…
Ce qui faisait le sel des comédies américaines des fifties, comme L’impossible monsieur bébé (1946) de Howard Hawks, ou encore Certains l’aiment chaud (1959) de Billy Wilder, était une sorte de truculence qui transcendait le film : les dialogues fusaient avec naturel, l’humour portait les scènes au-delà de l’aspect parfois théâtral, et les acteurs se fondaient sans mal dans des univers absurdes, nous les rendant proches d’une certaine réalité. Adaptant le roman Miss Pettigrew (écrit par Winnifred Watson et publié en 1938), Bharat Nalluri veut réaliser ce genre de « screwball comedy » (vivacité des répliques, situation absurde, cohabitation de personnages antagonistes), afin de rendre compte de la rencontre cocasse entre deux femmes qui se moquent des conventions sociales et essayent, dans un bal étourdissant d’intrigues, de changer de vie. Le réalisateur réunit beaucoup d’ingrédients intéressants, du choix des comédiens qui se donnent la réplique avec succès, à la reconstitution aux couleurs saturées des décors et des costumes du Londres de 1939. Néanmoins, en plus d’un scénario cousu de fil blanc, le résultat pèche cruellement par son manque de tempo ; dénué d’un véritable rythme de dialogues et de situations, les quiproquos vaudevillesques sont finalement peu assumés.
L’équipe du film était pourtant prometteuse : le réalisateur de Alien VS Predator se faisant assister des scénaristes David Madge (Neverland) et Simon Beaufoy (Full Monty et Slumdog Millionaire). Et au début de l’histoire, le sourire guette bien au coin des lèvres. Le spectateur a envie d’y croire, il navigue dans les décors de la capitale britannique, et se laisse charmer par les froufrous des ladies et autres jeux de séductions des gentlemans toutes classes confondues. À ce titre, le jeu des acteurs est à saluer ; Frances McDormand, actrice fétiche des frères Cohen, n’a pas à rougir de sa Miss Pettigrew, pas plus qu’Amy Adams en ingénue, ou que la brochette de messieurs de Ciaran Hands (Munich), à Lee Pace (héros de la série Pushing Daisies, notamment). Enfin, le cadrage très réussi et les sublimes costumes colorés finissent d’achever les points positifs d’un vrai travail de mise en scène.
Mais assez vite, le spectateur se lasse de scènes longuettes et d’un film qui reste à terre. Si l’ensemble du casting mérite une mention spéciale, l’énergie palpable des comédiens ne sublime pas des scènes de marivaudage vues et revues ; supposé reposer entièrement sur une écriture enchaînant les répliques savoureuses, Miss Pettigrew manque d’une réelle truculence. Les dialogues un peu falots ou l’humour assez fade mènent lentement le film vers l’ennui. Alors que l’enjeu dramatique n’est pas primordial pour ce type de comédie (le happy-end est en général de rigueur), la gestion du temps, elle, est essentielle. Or, l’histoire n’est pas scandée aussi vite et bien qu’elle aurait pu l’être.
Aussi, si le désir de Bharat Nalluri de réaliser une « screwball comedy » est louable et visible, la comparaison avec ses illustres prédécesseurs fait malheureusement de cet essai de Diamants sur canapé une pâle copie. Pas désagréable ni réellement raté, Miss Pettigrew manque le coche de peu, mais le manque. Reste une comédie qui donne une envie : se replonger dans les classiques de l’âge d’or du cinéma américain.