On espérait simplement passer un bon moment, craignant secrètement que Mauvaise foi s´inscrive dans la lignée de ces << premiers films >> complètement inutiles et énervants de niaiserie. Ouf ! Roschdy Zem nous offre un assez bon divertissement, sans aucune prétention.
Fort heureusement, le réalisateur est parvenu à trouver un équilibre cohérent (ce qui ne signifie pas forcément satisfaisant) entre comédie romantique et traitement d´un thème brûlant d´actualité, à savoir le communautarisme. Mauvaise foi est avant tout une histoire d´amour légère et plutôt enlevée. Certes, rien de vraiment original, tous les rebondissements sont prévisibles, la structure << situation initiale - élément perturbateur - développements l´intrigue - élément de résolution - situation finale >> est en tout point respectée. Mais les principaux écueils sont évités, et malgré quelques facilités scénaristiques, on se retrouve quand même loin de la stupidité qui sévit actuellement dans bon nombre de comédies romantiques. Et quand bien même l´on sent, vers la fin, le film dériver vers les plus insupportables clichés inhérents au genre, l´ultime pirouette, d´une grande intelligence, rattrape pas mal de choses.
Ce n´était en fait pas tant sur l´histoire d´amour que Mauvaise foi était attendu, mais plus sur le traitement de la question du communautarisme. Le titre du film lui-même, jeu de mots douteux, avait de quoi faire peur. On avait également pu entendre qu´il s´agissait de l´histoire de Clara, << juive >>, et d´Ismaël, << arabe >>. Association de mots plus que foireuse, amalgame effarant, non sens total qui laissaient présager le pire… Mais Roschdy Zem, dont on suppose qu´il s´est nourri de son expérience personnelle et qu´il a mis une part de lui-même dans son film, a la bonne idée de jouer sur cette confusion en l´entretenant avec finesse. Religions, réflexes communautaires et dissolution de l´individualité dans une lignée collective et coercitive s´entrechoquent ainsi dans un méli-mélo où les personnages, en quête d´identité, évoluent sans repères. Le grand mérite du réalisateur est de ne pas juger ses personnages, mais de poser quelques questions et d´observer. La séquence de la dispute entre Ismaël, son meilleur ami et deux autres de leurs comparses, est tout le symbole de sa démarche (et peut-être aussi le moment le plus fort du film). Le film évite ainsi de tomber dans le piège de la caricature.
En revanche, la mise en situation des personnages est clairement déficiente. Que sait-on vraiment de leur passé, aspect déterminant pour comprendre leurs motivations présentes ? Quelques éléments, disséminés avec parcimonie, nous aident à les connaître un minimum. On apprend en fait dès la première séquence que Clara est enceinte, ce qui permet d´impulser immédiatement au récit un bon rythme, et de déclencher l´intrigue sans passer par de longues scènes d´introduction. Mais pour donner de la profondeur aux personnages, pour mieux nous aider à cerner le questionnement qui les secoue, pour proposer de les accompagner dans un mouvement d´introspection, bref pour donner du corps au film et ne pas se contenter d´un traitement de surface, il aurait fallu affiner les traits psychologiques de Clara et Ismaël. Certaines évidences se devinent, mais les questions fondamentales, elles, restent en suspens. On a la désagréable impression que les protagonistes n´ont jamais réfléchi au problème qui les sépare, celui de leurs origines respectives. Pourquoi ? On ne le saura pas… Une contradiction se révèle insoluble et presque rédhibitoire : les parents, eux, semblent fortement attachés à leur racine. Est-il imaginable qu´ils n´aient pas aguillé leurs enfants, dès leur plus jeune âge, à dénouer les nombreux questionnements identitaires qui semblent inévitables ? Comment se fait-il qu´à trente ans, les protagonistes se retrouvent << parachuté >> dans ce monde qui les oppresse ? On peut supposer qu´il en allait de leur survie de se poser, bien avant, les questions qui sont les leurs pendant le film.
Aborder des thèmes aussi difficiles que la dialectique entre l´individualité et un ancrage communautaire ne peut se faire en décrivant des personnages à l´instant << T >>. Il faut sans doute remonter loin dans le passé des personnages, dans leur enfance, et décrire leur comportement présent à travers des prismes plus étoffés, mêlant des notions comme le refoulement, le rejet, le mimétisme. En s´y abstenant, Roschdy Zem n´évite pas le gros défaut de son film : le schématisme. Ses personnages sont trop édulcorés pour paraître humains. Ils nous sont sympathiques mais restent étrangers. Nous n´avons certes pas envie de les juger, mais pas non plus de prendre partie pour eux.
Mauvaise foi a donc le défaut de sa qualité : c´est un film léger, une romance conventionnelle sans grand brio mais sans lacune majeure non plus. Ce qui garantit l´aspect divertissement, mais interdit tout traitement de fond du sujet abordé. Les questions de l´identité, du sectarisme, de l´ostracisme,… restent grossières, ayant pour principal but de servir l´histoire d´amour. On se retrouve ainsi avec l´image du verre à moitié vide, à moitié plein. Ce qui n´est déjà pas si mal…