Effectivement, tous les produits ne connaissent pas le même type de placements : le produit ou la marque peuvent être insérés de manière intentionnelle dans le cadre filmique (classique) ; la marque est clairement insérée, et non le produit, avec un caractère plus publicitaire (institutionnel) ; le produit peut être montré et reconnu, se distinguant par son style et non par sa marque qui n’est pas citée clairement (évocateur) ; certaines marques ne peuvent être reconnues au cours du film (marques de vêtements, par exemple) et ne sont décelables qu’à la lecture du générique de fin où elles sont mentionnées.
Certains produits et marques agissent comme des atouts pour le style du film, d’autres vont jusqu’à caractériser des intentions par rapport à la narration (comme le Photomaton, dans Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain (Jean-Pierre Jeunet, 2001), qui sera finalement le moyen de la rencontre des deux personnages).
Un paragraphe fait preuve d’une recherche originale, en nous démontrant que la mémorisation et l’attention du spectateur sont différentes selon la situation d’un objet dans le cadre. L’œil du spectateur sera plus vigilant aux choses placées à gauche ou au centre de l’écran : « Dans la plupart des cas, l’action vient de la gauche (sens de lecture pour les Occidentaux) et le spectateur sera donc plus attentif à la partie gauche de l’écran » (1). L’auteur passe en revue plusieurs aspects découlant de son sujet initial, certains d’entre eux étant très agréables à lire. Ainsi passe-t-il en revue les avis divergents de différents réalisateurs qui ont, chacun, une opinion plus ou moins tranchée par rapport à l’idée de placer un produit ou une marque au sein de leurs films. Également, il s’arrête un moment sur la question de la marque comme caractérisation du personnage, un produit pouvant préciser un statut social, une manière de vivre, une tranche d’âge.
Si Je vais bien ne t’en fais pas (Philippe Lioret, 2007), qu’elle décrit longuement, s’était passé dans la décennie 1990 et non dans les années 2000, Lily (Mélanie Laurent) aurait troqué son MP3 iPod d’Apple contre un Walkman Sony. L’utilisation de certains produits et de certaines marques dans un film est révélatrice d’un contexte, d’une époque et même, souvent, d’une certaine classe sociale à laquelle appartiennent les personnages. Oui, et ensuite ?
La difficulté qui se pose à nous, lecteurs, c’est de comprendre où Delphine Le Nozach souhaite nous amener avec ses recherches. Nous nous sommes rendus sur son site web afin de tenter d’obtenir plus d’explications mais nous nous sommes heurtés au même type d’interrogations. Pourquoi l’auteur passe-t-il un temps fou à remarquer et à parler du pot Häagen-Dazs que la mère de Monica, dans Friends (saison 2, épisode 16), tient dans ses mains tout au long d’une scène, pour arriver à la conclusion, simple et sans impact, que « le produit est donc situé au centre d’une scène particulièrement chargée en émotion ». Et alors ? Le frigo et la table aussi, dans ce cas. Où est la démonstration ? Où est l’objectif d’une telle « analyse » ? C’est à cette question que Delphine Le Nozach ne répond pas, le propos se rapprochant plus de la description anecdotique que de l’analyse scientifique. C’est dommage, le sujet ne semblait pourtant présager que du bon.
Delphine Le Nozach, Les Produits et les marques au cinéma, coll. "Communication et Civilisation", L’Harmattan, 2013, 196 pages.
(1) Delphine Le Nozach, opus cité, p.18.