Lillian

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Un road-movie épuré et fort.

Sans toit ni loi

Constatant que le visa U.S de Lillian arrive à expiration, un réalisateur de pornos refuse de l’embaucher. L’ouverture, une des rares scènes de face-à-face du film, donne le top départ d’un road-movie, ou, pour être plus précis, d’un walk-movie aux partis pris radicaux. Hormis le fait que la jeune Russe cherche à rejoindre son pays, la narration ne s’embarrasse d’aucun justificatif et refuse également tout psychologisme. Rien sur le passé ou les espoirs qui pourraient motiver un tel comportement jusqu’au-boutiste. Le mutisme accompagne la jeune femme tout au long de son parcours. Comparée à Lillian, Mona, la sauvageonne de Sans toit ni loi apparaît accessible et touchante. Andreas Horvath dépasse le stade de l’empathie pour atteindre le sensoriel. Une approche essentiellement organique qui prend comme médium le corps et le visage de son actrice principale. Cette belle gueule de mannequin aux traits marqués qui rappellent la sinuosité de la route. Ces grands yeux clairs de félin qui appellent à la contemplation. Ce corps musculeux et sec qui souffre. Ce corps qui saigne et tente de résister dignement. Comme un animal, traqué, la femme décuple sa sensibilité auditive. Toujours aux aguets, Lillian se courbe, se cache, se protège. Les voitures abandonnées, les tunnels comme logements de fortune. Par miracle, une maison cossue et désertée lui ouvre ses portes. Juste le temps de se remettre à neuf, Lilian reprend sa quête. Et, petit à petit les événements et les éléments naturels l’usent, l’ébrèchent et finissent par l’absorber toute entière. La route comme métaphore d’un lent et inexorable renoncement au corps pour atteindre la spiritualité et renaître selon les cycles vertueux de la nature.

 

 

Into the Wild

Une fois sortie de New-York, c’est une Amérique grandeur nature que Lillian nous donne à découvrir. Une Amérique figée dans le temps. Celle des petites villes où seules les anciennes générations continuent d’arpenter les rues. Une Amérique où les cafés et magasins sont autant de refuges pour maintenir une vie sociale, au même titre qu’une compétition de stock-cars qui nous renvoie dans un passé que l’on croyait à jamais révolue. Le regard d’Andreas Horvath est d’une grande maîtrise photographique. Grâce à un sens de la composition toujours en éveil, le réalisateur s’appuie sur des panneaux de signalisation,  des objets abandonnés pour remplacer la parole. Nombreuses sont les séquences qui traduisent la fragilité, voire l’effacement de Lillian par rapport à son environnement. Qu’il soit naturel et sauvage, comme celui des immenses plaines arides. Ou urbanisé et apparemment plus accueillant, comme dans le superbe plan où Lillian est totalement absorbée par une fresque murale en trompe l’œil.

Le son « in situ » occupe une place centrale dans la mise en scène. L’importance accordée  aux tressaillements de la nature concourt bien entendue au sentiment réaliste d’immersion. En guise de voix-off, les voix d’une radio F.M s’amusent de la vacuité de leurs propos qui semblent destinés à un auditoire fantôme. Ultime ironie d’un monde qui livre ses derniers murmures. Le voyage se veut aussi cinématographique. Chacun y trouvera ses propres références à la mythologie hollywoodienne. Jeremiah Johnson, Into the Wild pour le retour au primitif, nature, et pourquoi pas La colinne à des yeux, pour le maniaque qui poursuit Lillian au bord de la route. Même si on peut émettre quelques légères réserves sur le retour final à la fable, le voyage reste envoûtant de bout en bout.

 

Lire également l’interview d’Andreas Horvath.

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Durée : 130 mn


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