Rencontre avec Andreas Horvath

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Pour la sortie de « Lillian », la chance de rencontrer son réalisateur, nominé pour la caméra d’or en 2019 au festival de Cannes.

Votre film, même s’il n’est pas muet, comporte très peu de scènes dialoguées : Avez-vous rencontré des difficultés pour persuader les producteurs de vous suivre dans un tel projet ?

Non, j’ai entendu l’histoire de Lillian il y a quinze ans pour la première fois. J’ai mis du temps pour me décider à en faire un film. Puis quand je me suis lancé, j’ai trouvé un producteur qui a accepté de travailler sur un film sans script définit à l’avance.Il a compris et accepté d’une façon très claire mon idée. Certes le producteur a pris un risque financier, mais il avait confiance en nous.

Le scénario est très épuré. Comment êtes- vous arrivé à ce résultat ? Etes-vous parti d’un script plus dense au départ puis vous avez éliminé des éléments narratifs et explicatifs qui n’apportaient rien à l’âme du film ?

Le film s’est dessiné durant le voyage, au fur et à meure de nos étapes. Un procédé utilisé en documentaire. Le voyage de Lillian, c’est également celui de notre équipe de tournage. Une équipe qui n’a jamais dépasséle nombre de cinq, car nous disposions que d’un petit budget. C’est à partir des lieux traversés, des personnes rencontrées que le scénario s’est écrit. Nous avons eu neuf mois de tournage, de New-York, jusqu’en Alaska. Sans interruption pour l’actrice et moi-même. Je voulais vivre toutes les saisons. C’était très important pour moi de filmer le cycle de la nature, l’évolution des paysages. Nous avons commencé en automne et finit en été. Le changement de saison est très symbolique.

Le trajet, les lieux que traverse l’héroïne, sont d’une importance capitale dans le récit. Comment avez-vous construit ce parcours ? La préparation d’un tel tournage a dû être très longue ?

Non, pas du tout. Car je connaissais bien le Midwest, une région où j’ai passé un an pour  mes études, en 1984,à l’âge de seize ans. Puis, plus tard, je suis retourné aux États-Unis pour un projet en tant que photographe. Je connais très bien l’Alaska et la Colombie britannique. Ce sont des lieux que j’aime. Ce trajet me correspond. Dans l’histoire originale, l’héroïne restait longtemps au Canada, j’ai pris la liberté de lui faire passer plus de temps aux États-Unis, car pour le public international c’était plus parlant. Une fois sur la route, nous ne savions pas combien de temps nous allions rester dans tel endroit, qui nous allions rencontrer. Alors que nous cherchons un pont pour traverser le Mississipi, on découvre qu’il y a un ferry qui relie les deux rives nous l’empruntons, c’est plus intéressant pour l’histoire. J’ai été très inspiré par les habitants, ils étaient très ouverts et hospitaliers. Le shériff, par exemple, c’est sa vraie profession. Il nous a beaucoup aidés. Pour la scène dans laquelle il rencontre Lillian qui semble perdue sur la route, je lui ai demandé d’agir comme il le ferait dans la réalité.

Le rôle de Lillian est muet. Quelles consignes avez-vous donné à Patrycja Planik pour entrer dans le personnage alors qu’il n’a pas de dialogues à apprendre ?

Ce n’est pas une actrice. C’est une artiste, une plasticienne. Dans le casting initial, il y avait sept cent postulantes pour le rôle principal selon le directeur de casting. J’en ai rencontré soixante-dix d’entre elles. Je ne leurs est pas demandé de jouer mais de parler de Lillian, de ce qu’elle pouvait ressentir. Patrycja a tout de suite été juste, elle ne l’interprétait pas, elle était Lillian. Sur le tournage, elle n’a pas eu besoin de mes conseils, elle a nourri le personnage de son voyage, de ce qu’elle voyait sur le terrain, de ce qu’elle trouvait.

Son personnage souffre physiquement, son corps évolue. Patrycja a-t-elle du faire une préparation physique spéciale, avant le tournage ?

Non, car le film est une expérience. L’évolution de son aspect physique est le fruit des neuf mois de tournage. De la fatigue qui s’installe  après les longues marches. De l’influence des saisons sur la peau. Tout cela, on ne peut pas le prévoir à l’avance. Nous étions ouverts à ces changements. Son esprit a également évolué.

 

Le film est très pictural, on pense aux grands photographes américains qui ont fait découvrir l’Amérique grâce à leur Road Trip. Avez-vous des références, des modèles en la matière?

Oui, beaucoup. Gregory Credwson, Lee Friedlaender, par exemple. Ces photographes possèdent un style qui rappelle David Lynch. Ils travaillent comme au cinéma, leurs scènes sont de véritables plateaux, avec de gros moyens pour des photographes. Leurs photos laissent beaucoup de place à notre propre interprétation, elles peuvent avoir beaucoup de sens différents.

Villes oubliées, nature sauvage. D’où vient votre intérêt et votre fascination pour ces régions américaines ?

Je trouve que c’est un magnifique laboratoire. Il y a beaucoup de populations différentes, toutes très intéressantes par leur singularité. On peut dire que plusieurs époques coexistent dans ce même pays aujourd’hui. Le temps du western subsiste encore, le monde rural et rustique aussi.

Le road-Movie est également un genre cinématographique apprécié du cinéma et de littérature américaine. Vous êtes-vous inspiré de certaines œuvres ?

Oui, Wanda de Barbara Loden le seul film réalisé par la  femme d’Elia Kazan. Avec une petite équipe de tournage, comme pour un documentaire. J’ai beaucoup d’admiration pour Nicolas Roeg, son Walkabout, m’a notamment influencé. Un frère et une sœur se retrouvent seuls dans le désert australien après la mort de leur père. Durant leur longue marche ils vont rencontrer un aborigène et apprendre à grandir. Je pense également à Skolimowski avec Essential Killing.

Votre prochain projet sera-t-il un dans la continuité de Lillian ?

Je pense que je vais retourner dans une œuvre plus simple. Mais, pour le moment, je ne peux rien dire. Car Lillian a été un projet qui m’a beaucoup marqué, je m’y suis investi durant très longtemps. J’ai besoin de me ressourcer avant de me lancer dans une nouvelle histoire.

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