« Colérique » pourrait être le terme qui définit le mieux Oliver Stone. Cinéaste issu des années 70 et 80, l’homme débuta sa carrière en travaillant en tant que scénariste sur divers longs-métrages (dont L’Année du Dragon, Scarface, Midnight Express ou encore Conan le Barbare) avant de plancher sur des projets de réalisation tout aussi juteux et particulièrement politisés. Pouvant se rapprocher de son mentor et professeur à NYU, Martin Scorsese, l’énergie et la frénésie sont deux autres caractéristiques que l’on peut attribuer au metteur en scène, véritables moteurs des propos véhiculés dans ses films. L’hystérie étant très sûrement issue de son expérience au Vietnam, il paraît logique que le cinéaste s’attèle à de tels sujets à travers des films comme Platoon, Wall Street ou encore Né un 4 Juillet. Suite à la réalisation de ce dernier film, un nouveau sujet (en or) s’est rapidement imposé au réalisateur : un film sur Jim Morrison et son groupe, les Doors.
Fin des années soixante : la guerre du Vietnam fait rage, la révolution culturelle et sexuelle est en plein boom et les idéologies se déchaînent, tout comme le rock avec l’arrivée d’un nouveau groupe mené par un certain Jim Morrisson. Réalisé en 1991, le film en question a désormais atteint le statut de film culte, certes dû en grande partie au chanteur du groupe, décédé en 1971, mais aussi au brio et à l’énergie se dégageant du métrage. Débutant sur une série de gros plans inserts sur le chanteur insistant sur son aura mystérieuse et énigmatique, tout le reste du film semble basculer d’une séquence à l’autre du mysticisme à l’hystérie. Le nom du groupe étant « the Doors » (faisant référence au livre de Aldous Huxley, Les portes de la perception), l’un des axes majeures du film, tant en termes de contexte socio historique que de mise en scène, est la drogue et l’état second vécu par les personnages. Ainsi la mise en scène de Stone, très portée sur le montage (et quasi expérimentale par moments) s’avère tout à fait appropriée et pertinente par rapport au sujet et à l’époque dans lequel le film se déroule. De ce fait, au montage cut et séquences très découpées viennent se greffer de nombreux effets stylistiques (à la fois visuels et sonores) renforcés par l’image et la lumière éclatante de Robert Richardson (chef opérateur attitré de Stone mais aussi Quentin Tarantino et Martin Scorsese).
Parmi ces séquences, on citera celle du désert, probablement la plus mystique de toutes, évoquant le chamanisme indien ainsi que la mort (un homme chauve au teint livide, figure récurrente dans le film), tout comme celles de concert, très impressionnantes, parvenant à saisir toute la folie et l’insolence du personnage ainsi que l’esprit subversif de l’époque. L’aspect dionysiaque clairement revendiqué par le chanteur et le groupe est aussi très présent dans le scénario, notamment lors des scènes entre le personnage principal et celui de la journaliste. Tout cela nous fait venir au casting du film, mené par un Val Kilmer possédé (sans doute son meilleur rôle), parvenant à saisir et incarner toute l’insolence, le génie et la mégalomanie de Jim Morrisson, entouré d’une multitude d’acteurs secondaires tels que Meg Ryan, Michael Madsen, Michael Wincott et Crispin Glover (interprétant Andy Warhol lors de la séquence de la soirée psychédélique avec les Velvet Underground). Le tout porté par les divers morceaux du groupe : « Riders on the storm », « Common baybe light my fire », « This is the end », etc. (difficile en effet pour un cinéaste de ne pas être inspiré par de telles chansons et musiques). Le film semble également vouloir s’intéresser à la création d’un mythe, d’une légende, représentés par le chanteur et l’humain qui se cache derrière.
A la fois fascinant portrait de personnage et vibrant hommage à une époque et une culture en pleine mutation, The Doors s’avère très certainement être l’un des meilleurs films d’Oliver Stone, dans tous les cas bien plus satisfaisant que le récent et décevant documentaire When you’re Strange, réalisé par Tom Dicillo.