Les Chansons d’amour

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Ah, Les Chansons d´amour… Film au titre évocateur ? Eh bien ici, nous sommes loin, très loin de la légèreté, sous-entendue par le terme >. Malgré quelques passages frais et insouciants, n´hésitant pas à adresser des clins d´oeil au cinéma de Jacques Demy, le ton emprunté est grave avant tout. Comme on pouvait s´y attendre, […]

Ah, Les Chansons d´amour… Film au titre évocateur ?

Eh bien ici, nous sommes loin, très loin de la légèreté, sous-entendue par le terme << film musical >>. Malgré quelques passages frais et insouciants, n´hésitant pas à adresser des clins d´oeil au cinéma de Jacques Demy, le ton emprunté est grave avant tout.

Comme on pouvait s´y attendre, Les Chansons d´amour parlent d´amour ; mais pas seulement. Christophe Honoré présente plusieurs pistes au spectateur, l´entraînant à se perdre au milieu de différents thèmes. Et, tout comme on ne badine pas avec l´amour, ici on ne badine pas avec la mort. Découpé en trois temps, comme étant trois morceaux de vie, le film donne la parole successivement au Départ, à l´Absence, et enfin au Retour.

Le sentiment amoureux et sa complexité ouvrent les portes du récit. Sans cliché ni jugement, le réalisateur pose un regard de << spectateur >> sur cette histoire d´amour. Il se place en retrait de cette relation peu banale mais pas si particulière pour autant. Relation qui unit un homme et une femme, un homme avec un autre homme, deux femmes, plusieurs personnes. On sort des sentiers battus, du couple classique. Sans tomber dans le voyeurisme ni dans la curiosité déplacée, Christophe Honoré pose tour à tour sa caméra et son regard sur ces différents couples et couples différents.

Mais sans crier gare, la mort surgit, bouleversant la vie de tous ces personnages. Elle s´immisce peu à peu, se glisse en chacun, dans les esprits et dans les coeurs. Le thème fort est là. Elle transforme et chamboule. Le deuil s´impose et << chacun fait avec la peine à sa manière >>. Certains cherchent à retourner sur les traces, ressentant la peur d´oublier et la culpabilité d´être encore là. D´autres, en revanche, souhaitent à tout prix effacer, << laver leur mémoire >> de tout souvenir. Quand l´un veut comprendre, l´autre cherche à oublier. Chacun essaie de s´en sortir. Soit on relève la tête, soit on se noie. On va de l´avant ou, à vouloir oublier, on finit par s´oublier soi-même. Différentes manières, chacun la sienne. Quelle est la bonne ? Le film n´a pas la prétention de donner une réponse. L´absence est juste là, très présente, comme un truc qui colle à la peau, quoiqu´on y fasse. C´est en cela qu´il est d´ailleurs si dur de faire avec.

L´amour et la mort finissent par se rejoindre et s´entremêler, donnant ainsi une certaine beauté à la mort et un ton douloureux à l´amour. C´est même grâce à son côté musical que le film peut laisser libre cours à cette ambiguïté. Evoluant entre force et tendresse, tristesse sur l´ange de la Bastille et pointes d´humour dans les jeux de mots, Christophe Honoré ne joue pas de fausses notes. Tout comme ses comédiens qui, portés par des chansons aux paroles poétiques, réussissent à nous donner le meilleur d´eux-mêmes (un Louis Garrel bien plus convaincant que dans Dans Paris).

Mais comment vivre l´amour ? Affronter la mort et le chagrin ? L´intensité est prête à éclater au coin de la rue, alors pour que ce soit plus vrai, plus beau, plus simple, << aime-moi moins mais aime-moi longtemps >>.

Titre original : Les Chansons d'amour

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Durée : 100 mn


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