Les années de plomb (Volume 3). Coffret Blu ray chez Elephant Films.

Article écrit par

Magnum 44 spécial, La Police a les mains liées, Les Féroces. Trois poliziottesci pour nous plonger dans les violences qui ont gangréné l’Italie durant les années soixante-dix.

Dans ce troisième volume Les années de plomb, Elephant Films continue de réhabiliter des polars trop rapidement passés à la trappe  d’une décennie Italienne en proie à des torrents de violence. La mafia, le terrorisme, les petites frappes sans retenue,  chaque film, dans un style différent, se nourrit  de ces fléaux pour nous tenir habilement en haleine.

 Magnum 44 spécial (Stelvio Massi, 1976).

L’influence des polars musclés américains donne une dimension peu singulière, mais inspire un programme bien rodé,  pour cette lutte acharnée contre la Mafia menée par un flic aux méthodes expéditives. Importés d’Hollywood, John Saxon prête ses muscles à sa gouaille à l’irréductible Commissaire Jacovella, et Lee J. Cobb campe un Capo aveugle terrifiant. Le scénario qui ne se perd jamais en conjectures offre moult poursuites et autres affrontements spectaculaires dans les rues  de Bari – cité des Pouilles rarement mise en avant à l’écran  pour son aspect sombre et labyrinthique. Massi s’inspire du souffle de French Connection (William Friedkin,1971) pour faire faire courir tout son monde. Dans une atmosphère de Western urbain, rythmé par un thème au tempo à la Morricone,  le nihilisme à la  Dirty Harry s’impose comme le seul rempart possible contre la pègre organisée. Magnum 44 ne cherche pas à révolutionner le genre ni à viser les sommets, mais il atteint sans peiner sa cible. Que demander de plus à un policier qui veut juste bien faire son boulot.

La police a les mains liées ( Luciano Ercoli, 1975) 

Une excellente surprise. De loin, le plus réussi des trois titres. Un attentat terroriste entraine la mort de Balsamo, un collègue et ami du commissaire Rolandi (Claudio Cassinelli au charme malicieux), qui va alors mener son enquête en parallèle d’un juge incorruptible (Arthur Kennedy). Dans le rôle de Balsamo, Franco Fabrizi, qui a brillé par ailleurs chez Dino Risi, Pietro Germi, apporte une dose d’humour à un récit aussi riche en rebondissements qu’en sensibilité. Des personnages attachants, enfermés dans leurs obsessions et leurs tocs, qui  tentent de garder le cap dans un environnement corrompu à tous les niveaux. L’atmosphère délétère, les allusions prononcées ici ou là, le terrorisme est bien plus qu’une toile de fond.  » On accuse les fascistes, mais les Rouges on sait que ça vaut aussi  » lance une passagère dans un autobus. La prégnance – le triomphe même – d’un sentiment de désillusion  retranscrit le climat nauséabond d’une période trouble  » La  solitude des héros – qui plus est non solidaires entre eux – annonce l’inévitable impasse des systèmes policier et judiciaire. La police a les mains liées est un poliziottesco a rapprocher des bels ouvrages du cinéma Français sur cette thématique comme Adieu poulet (Pierre Granier-Deferre, 1975).

 

 

Les Féroces (Romolo Guerrieri,1976).

Comme dans le métrage précédent, c’est à Milan que la police ne fera pas de miracles, bien en peine pour mettre fin aux exactions d’une bande de jeunes hommes sans aucune autre motivation  dans la vie que de jouer de la gâchette pour prouver sa puissance. On braque, on tue juste pour le « plaisir » de transgresser l’ordre établi. Le moins politique des  trois poliziottesci est un road movie à la Bonnie and Clyden(Arthur Penn, 1967)– une jolie camarade viendra grossir les troupes – où la partie est jouée d’avance. Mais l’empathie n’est pas de mise, car même le  seul garçon non féroce de la bande est un navrant pleutre. Pas d’excuses sociales non plus pour ces sales gosses de riche en mal de sensations fortes. De là à percevoir une critique du capitalisme sans âme érigé en modèle de réussite durant le Boom Italien, nous ne franchirons pas totalement le pas, même si une scène où les riches parents des rejetons sont convoqués par le commissaire (Thomas Milian) s’efforce de le démontrer. Au diapason de ses personnages, la mise en scène est tranchante, exposant sèchement et  crument la violence. Somme toute, une balade sauvage transalpine qui fait froid dans le dos.

 

 

 

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.