Le mystère d’Edwin Drood/ Le prix du silence : sorties Blu-ray chez Elephant Films.

Article écrit par

Claude Rains dans la peau d’un maléfique personnage de Dickens, Alan Ladd dans le costume de Gatsby le magnifique : deux singulières adaptations qui viennent enrichir la collection Master Class.

Point commun entre ces deux éditions de mars chez Éléphant Films, une prise de liberté certaine par rapport aux œuvres littéraires adaptées.

Le Mystère d’Edwin Drood (The Mystery of Edwin Drood, Stuart Walker, 1935)

Promis en mariage à Rosa Bud depuis leur tendre enfance, Edwin Drood disparait mystérieusement quelque temps avant l’annonce officielle de leur union.  Le Mystère d’Edwin Drood est le  dernier roman, resté inachevé, de Charles Dickens. Cette adaptation reprend l’intrigue mise en place par Dickens et lui offre un prolongement purement cinématographique ; la résolution du terrifiant mystère. La première partie brille par son esprit caustique, la finesse de ses dialogues et son rythme entraînant ; en tout point fidèle à l’art de Dickens pour dépeindre le déterminisme social en contournant les pièges d’une morale convenue. La bienveillance  des institutions d’accueil et de la classe dominante est écornée par une condescendance répétée et des préjugés racistes facilement convoqués. Quant à la pureté des sentiments amoureux, la jeunesse  lui substitut sans embarrassent une bonne dose de  pragmatisme et de lucidité. Déjà dans cette première partie, l’ombre d’une intrigue plus sombre s’immisçait dans les lieux : une petite ville imaginaire et brouillardeuse du Kent.  Quand l’intrigue policière s’ enclenche  – le faux coupable va tenter de retrouver le disparu et son meurtrier – l’atmosphère gothique devient plus oppressante en empruntant l’expressivité héritée du muet. Jeux d’ombres, maquillage ostentatoire,  et une expression qui frôle parfois la pantomime. À ce petit jeu, Claude Rains,  hiératique officier français de Casablanca (Michael Curtiz, 1942),  incarne ici, avec fougue et élasticité les insatiables pirouettes du  Mal. Du très bel ouvrage que ce mystère d’ Edwin Drood, passerelle entre  deux genres, entre deux époques du septième art.

 

Le prix du silence (The Great Gatsby, Elliot Nugent,1949).

Oublions très vite le titre saugrenu adopté par les distributeurs français de l’époque, pour retrouver l’un des plus emblématiques personnages de la grande littérature américaine : Jay Gatsby. Cette deuxième adaptation du chef-d’œuvre – la première datant du muet – de F. Scott Fitzgerald n’est qu’en partie fidèle au roman. Le scénario s’étant donné pour mission d’éventer, ou plutôt d’inventer, une grande partie du passé mystérieux du fascinant homme d’affaires qui multiplie incognito les fêtes les plus folles dans son sa somptueuse et immense demeure.  Une ouverture sous les chapeaux de roue relate l’ascension  du jeune  Bootlegger  en caïd de la pègre. Des flashbacks sur son douloureux  apprentissage des lois de l’amour et du business, cornaqué par un vieux loup de mer, expliquent son sens aigu des affaires… Des explications par l’image qui trahissent Fitzgerald au nom d’un supplément d’action et de morale. Cependant, la passion contrariée de Gatsby (Alan Ladd) et Daisy (Betty Field) retrouve son esprit et sa magie dans ses  moments forts. Leur retrouvaille lors d’une invitation surprise chez Nick, la visite dans la maison qui s’en suit, l’amour qui retrouve sa ferveur d’antan… Alan Ladd dégage un magnétisme certain et son mutisme impose, quant à Betty Field, sa beauté lumineuse accompagne un jeu gracieux, bien préférable aux minauderies dont jugera bon de s’encombrer Mia Farrow pour suggérer son trouble dans la version de Jack Clayton (1974). Les seconds rôles ne manquent également pas d’épaisseur à l’instar de Shelley Winters – maitresse du mari de Daisy. Ce Gatsby  aux accents poussés de rise and fall mérite bien plus que notre simple curiosité.

Le mystère d’Edwin Drood/ Le prix du silence : sorties Blu-ray chez Éléphant Films.(Collection Master Class)

 

 

 

Titre original : The Mystery of Edwin Drood/ The Great Gatsby

Réalisateur : ,

Acteurs : , , , ,

Année : ,

Genre :

Pays : ,


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’Aventure de Madame Muir

L’Aventure de Madame Muir

Merveilleusement servi par des interprètes de premier plan (Gene Tierney, Rex Harrison, George Sanders) sur une musique inoubliable de Bernard Herrmann, L’Aventure de Madame Muir reste un chef d’œuvre inégalé du Septième art, un film d’une intrigante beauté, et une méditation profondément poétique sur le rêve et la réalité, et sur l’inexorable passage du temps.

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…