Originaire de Babylone, en Irak, Abbas Fahdel choisit de situer l’action de sa première fiction longue dans cette région à l’aura mythique, et de porter à la connaissance du public ses habitants, la tribu des Maadans, aussi appelés Arabes des Marais. Zahra est donc une fille des marais, promise à son cousin Mastour : d’enfant, nous la verrons grandir sous les traits de Hafsia Herzi, éblouissante Rym de La Graine et le Mulet de Kechiche. Et se fait femme au jour du départ au combat de son jeune mari, réquisitionné de force par l’armée irakienne.
Elle le sent, elle lui dit : il ne reviendra pas. Le supplie de déserter. Avant de partir pour toujours, Mastour aura pris soin de demander à Riad, jeune soldat Badgadi, de veiller sur Zahra. Ce dernier accèdera à tout prix la dernière volonté de son ami. Et, malgré le mépris qu’à Bagdad on lui a toujours inculqué pour ces Maadans, s’apprête à en faire partie.
Le film commence sur un arbre, solitaire au milieu du marais sur lequel se lève le soleil, qui s’écroule soudain avec un craquement sourd. Comme une métaphore du film dans son intégralité, une image qui annonce toutes celles qui suivront. Le tout sur la musique composée par l’Allemand Jürgen Knieper, compositeur fétiche de Wim Wenders. Ni folklorique, ni exotique, la bande originale de L’Aube du monde oscille entre électro et chants arabes de la Palestienne Rim Banna, participant à faire de ce film une expérience sensorielle. Une histoire d’amour pleine de symboles, de nombreuses références bibliques, une cause politique à la fois anti-Saddam et anti-américaine, une œuvre à la limite de la science fiction dans son esprit post-apocalyptique… le premier long métrage de Abbas Fahdel pourrait se résumer en un mot : universalisme.
Alors certes, on devine le petit budget imparti au tournage, relevant certaines maladresses et une légère naïveté du scénario – bien que récompensé par le CNC du Trophée du premier scénario. Mais les images, filmées presque uniquement en plans séquences et fixes, sont sublimes, les sensations présentes et Hafsia Herzi toujours bluffante de vérité – ce qu’on ne peut dire, il est vrai, dire de tous ses partenaires de jeu. Sans compter le mérite qu’a L’Aube du monde d’immortaliser un sanctuaire et des traditions aujourd’hui disparus, contaminés par la violence du monde moderne.