La Rue de la honte (Akasen chitai)

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Le film débute par grand panoramique sur une ville moderne. Puis, sans enchaînement, la caméra nous montre une petite rue calme, de jour. Enfin, la même rue, la nuit. On comprend immédiatement qu’il s’agit de « la rue de la honte », lieu duel où la débauche et le vice nocturnes de la prostitution tranche […]

Le film débute par grand panoramique sur une ville moderne. Puis, sans enchaînement, la caméra nous montre une petite rue calme, de jour. Enfin, la même rue, la nuit. On comprend immédiatement qu’il s’agit de « la rue de la honte », lieu duel où la débauche et le vice nocturnes de la prostitution tranche avec l’apparente sérénité du jour.

Mizoguchi aborde donc pour son dernier film de plein front un thème directeur de toute sa filmographie, la prostitution et la condition des femmes. A l’époque du film, cette problématique est on ne peut plus d’actualité, puisque qu’une loi menaçant l’interdiction de la prostitution paraît. Le cinéaste, grand amateur de geishas de son vivant, semble prendre position en montrant la prostitution comme la position sociale et économique la moins douloureuse possible pour une femme pauvre. Le personnage de Miki prouve qu’elle n’est pas forcément la résultante ni d’un vice, ni de la seule misère, mais d’un choix individuel.

Le film nous propose de partir à la recherche des motivations profondes de cinq prostituées, et de manière générale des caractéristiques de la condition de la femme japonaise. En extrapolant, on retrouve dans La Rue de la honte le rapport de force entre déterminismes (poids du passé, des règles de la société) et affirmation individuelle, ainsi qu’une dialectique souvent branlante issue de l’interpénétration de l’individu avec son milieu, motrice des comportements des personnages.

Le Rêve est une maison close où travaillent cinq femmes.
Il y a Yasumi, la plus jolie du bordel. Elle a été obligée de se prostituer pour payer la caution de son père, emprisonné à la suite d’un scandale financier. Sa seule raison de vivre semble d’amasser l’argent, petit à petit, si bien qu’elle est surnommée « l’harpagon ».
Il y a aussi Mikki, la fille d’un riche homme d’affaires, et qui fait la honte de sa famille. Mikki, libre et indépendante, refusera de suivre son père quand celui-ci viendra la chercher au Rêve.
Satô Yasukichi, quant à elle, est mariée à un tuberculeux ; mère d’un petit bébé, elle a bien du mal à faire face à cette situation, mais se battra jusqu’au bout. Elle et son mari se sont fait la promesse de vivre, d’affronter les malheurs quoi qu’il leur en coûte, et devant les faiblesses morales de son époux, elle doit être forte pour deux.
Yorie tente d’échapper au Rêve en suivant son mari, un campagnard. Mais elle s’aperçoit bien vite que la vie au bordel n’était pas si éprouvante que cela, en tout cas, sa nouvelle vie ne la satisfait pas du tout, lui donnant l’impression d’être réduite au rôle d’esclave. Elle reviendra au Rêve.
Enfin, il y a Yumeko, mère d’un jeune homme qui travaille à l’usine. Son plus profond désire est de passer ses derniers jours avec son fils, mais celui-ci la repousse violemment. Elle sombre dans la folie.

Ces cinq femmes, toutes différentes par leur passé, leur dispositions et leurs motivations présentes, doivent faire face à la même réalité extérieure, que Mizoguchi nous invite à découvrir en tant que simple spectateur, et non en juge. Lui non plus ne juge pas ses personnages, mais prend assez clairement position sur le problème des prostituées en tentant, dans une démarche collant au plus près du réelle, de relater les choses telles qu’elles sont. Lors du dernier plan, montrant la jeune « recrue » agiter sa main pour achalander le client potentiel, c’est comme si le cinéaste nous disait « Venez, venez voir ce qu’est la vraie vie ». Montrer la réalité comme elle est et non pas comme on se l’imagine : il semble bien que le cinéaste ait puisé son inspiration dans le néo-réalisme.

La Rue de la honte est un beau film, intense, cruel aussi. Il ne constitue peut-être pas une œuvre testament, mais est une intéressante variation sur l’univers du cinéaste. Enfin, il y a ce dernier plan, devenu mythique. La jeune prostituée fait donc un signe de la main pour attirer un client, puis s’efface derrière un mur. C’est en fait au spectateur que s’adresse le geste ; et c’est bien Mizoguchi qui en est l’auteur. Voici l’adieu d’un cinéaste de génie dont c’était le dernier film.

Titre original : Akasen chitai

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Durée : 81 mn


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