La France

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Il y a des films qui investissent d’emblée notre imagination à la simple lecture du synopsis ou du titre. Ici, le synopsis prédit un bon film : porté par Sylvie Testud, épouse travestie en soldat de la guerre 14-18, on pense être témoin d’un rôle de composition dont elle a le talent. On est aussi […]

Il y a des films qui investissent d’emblée notre imagination à la simple lecture du synopsis ou du titre. Ici, le synopsis prédit un bon film : porté par Sylvie Testud, épouse travestie en soldat de la guerre 14-18, on pense être témoin d’un rôle de composition dont elle a le talent. On est aussi en droit de penser à une immersion dans cette boucherie par l’intermédiaire d’un regard féminin. Peut-être cliché et désuet, il aura certes le privilège d’attendrir ce monde d’hommes brutal. Par ce titre, prétentieux et grandiloquent, le seul bémol semble être le risque d’un récit centré sur le patriotisme, le courage, mais cela dépendra de son traitement. Ainsi, une joie et une réticence se font sentir face à La France. Malheureusement, c’est le deuxième sentiment qui l’emporte et qui se décuple au fil du film.

Bis repetita, après Joyeux Noël qui délaissait les horreurs de la guerre au profit de la fraternité entre tranchées et qui faisait fi de la violence, La France joue sur le même tempo. En automne 1917, une femme vit au rythme des nouvelles de son mari envoyé au front. Mais un jour elle reçoit une courte lettre de rupture. Bouleversée et farouche, elle décide de se travestir et de le rejoindre. Sur sa route, elle croise et suit un groupe de soldats : ceux-là vont lui faire découvrir ce qu’elle n’aurait pu imaginer.

On l’aura compris, La France est plus un drame psychologique qu’un film de guerre pur et dur. Le réalisateur s’efforce de dépeindre le malaise et la peur des soldats traumatisés, préférant déserter. Or, peu ou prou de satisfactions, le réalisateur étant passé à côté de son propos et de la forme déconcertante.

Mis à part la prestation de Sylvie Testud, sa qualité de jeu et sa crédibilité, La France se révèle être une farce de mauvais goût voire irrespectueuse, un objet hybride (au sens péjoratif du terme), un film au titre prétentieux, mal réalisé et joué. A travers une mise en scène lente et plate (uniquement des plans fixes), le spectateur se retrouve béat, nez à nez avec un groupe de soldats hippies, reprenant des tubes yéyés (S.Testud serait-elle la seule à s’être travestie ?). Serge Bozon explique lui-même l’inspiration de la bande-sonore : « d’inspiration anglo-saxonne, tentative de synthèse de la popsike anglaise et de la sunshine californienne ». Complètement ubuesque, ces scènes donnent naissance à des tableaux surréalistes et hors de propos. On ne croit absolument pas à des poilus sortant leurs instruments, s’arrêtant dans le clair-obscur d’une forêt pour interpréter des chansons d’amour. Loin d’un réalisme, elles sont baignées dans des tons chauds qui nous décontenancent. Tout comme le générique rappelant les contes de fées : une nuit étoilée brille de tous feux, veillant sur le couple retrouvé.

Face à cette incongruité, la réalisation ne parvient pas à satisfaire. Des acteurs récitant leur texte comme au théâtre, des plans fixes longs et une réalisation plate emprisonnent le récit dans l’ennui. On attend que l’épaisseur du propos, le drame psychologique, se réveille. Au lieu de cela, on reste coi et songeur sur l’objectif de Serge Bozon : pourquoi avoir titré le film La France ? Voir des soldats déserter le front, chanter et se divertir semble irrévérencieux et déplacé. Certes, le fond montre le désespoir des soldats, l’horreur de la guerre, mais le film ne convainc tout simplement pas et devient ridicule.

La France interpelle, interroge et hypnotise, et est indéniablement original sur son traitement de la Grande Guerre. Celle-ci est une balade dans une forêt surréaliste et au tempo de pop anglaise et californienne semblable à un rêve. Le propos sur l’horreur de la guerre terrifiante qu’on préfère fuir était une bonne idée mais le manque de rigueur et l’originalité loufoque surprend. A n’en pas douter, le film de Serge Bozon sera l’objet de débats.

Titre original : La France

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Durée : 102 mn


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