La Famille Wolberg

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Le premier film d´Axelle Ropert est d´une belle précision, parvenant à s´affranchir des réflexions ordinaires pour livrer un portrait impressionniste assez touchant.

L’action se déroule en province et tout, de la lumière de Céline Bozon jusqu’aux décors et choix vestimentaires, semble indiquer que la marche du monde s’y est arrêtée aux années 70. Illustrant en mode mineur leur histoire d’amour, la soul américaine des sixties dont les parents Wolberg raffolent irrigue les scènes d’intimité qu’ils partagent. Le rythme du film est lui-même serein, sans à-coups, à l’image de la vie calme de la petite ville, où les protagonistes s’ennuieraient presque sans les trouvailles scénaristiques de leur réalisatrice. La première heure alterne les scènes de réunions familiales avec les trajectoires de chacun de ses membres : de respirations en mouvements, la vie d’une famille faite d’échappées extérieures, aussi salutaires et naturelles pour sa bonne santé que dangereuses pour sa cohésion.

Axelle Robert qualifie son film de mélodrame familial : en effet, la gravité affleure dans de nombreuses scènes que l’on est paradoxalement à deux doigts de trouver hilarantes. La cinéaste conduit sa première réalisation sur le fil, entre la douceur et l’ironie, l’humour juif et la cocasserie cruelle d’une déclaration d’amour, où la cellule familiale, ici jamais parfaitement close, toujours en mutation, est prête à se déchirer pour mieux réintégrer ses membres exilés. La vie ordinaire donc, à peine bouleversée par l’arrivée du frère de Marianne (l’épouse de Simon, interprétée par Valérie Benguigui, qui trouve enfin un rôle à la mesure de sa grâce), homme musicien sans toit trimbalant son image de bohème sous le nez effaré de Simon, garant d’une respectabilité d’un autre ordre. Le même Simon, qui se sent obligé de cacher à sa famille qu’il est atteint d’un cancer, de peur de briser un équilibre familial qu’il s’évertue à préserver envers et contre tout. François Damiens est la meilleure trouvaille du casting, en père juif fou d’amour pour sa famille. Axelle Ropert trouve en lui, habituellement trublion comique, le parfait interprète pour cette figure de père commandeur, vacillant soudain, en proie aux doutes et à la maladie. L’acteur belge apporte à la rigueur morale presque rigide de Simon sa forte présence burlesque, en faisant un parfait héros tragi-comique.

Jocelyn Quivrin, dans ce qui sera son dernier rôle, incarne l’ancien amant de Marianne, bel homme meurtri, surnommé le « blond » par un Simon fou de jalousie. Les deux scènes qui l’opposent au mari cocu sont chargées d’une tension et d’une gravité inconnues jusqu’alors, rappelant avec virulence la douleur des tromperies cachées derrière la bienséance. Le film est ainsi composé de scènes qui, sous leurs airs de tendres farces, suggèrent à merveille les peines ordinaires, grandes tragédies de la famille : maladie, tromperies, départs, vocations contrariées. En somme, la famille est un nid, chaud et difficile à quitter, mais nid d’épines où il faut cohabiter, parfois étouffant par trop d’amour mal donné. C’est par la simplicité de son propos et son réel talent de direction d’acteurs qu’Axelle Ropert s’élève au rang des belles promesses du cinéma français d’auteur (celui doté d’un brin de modestie mais surtout d’une véritable sensibilité cinématographique).

Titre original : La Famille Wolberg

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Durée : 120 mn


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