La chambre des tortures/ L’enterré vivant/ Le corbeau. Sorties Blu-Ray chez Sidonis Calysta

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Suite du Cycle Poe de .Roger Corman avec trois contes dans lesquels les défunts n’ont pas pas encore émis leur dernier souffle.

Deux mois après la sortie de trois des huit adaptions made in Corman (Réalisateur et producteur) des œuvres d’Edgar Allan Poe, Sidonis Calista poursuit ses très belles rééditions avec trois nouveaux titres, La chambre des tortures et l’Enterré vivant dans un style gothique et flamboyant, et Le Corbeau porté par la magie de l’humour.

La chambre des tortures (The Pit and the Pendulum,1961)

Cherchant à connaître la vérité sur les circonstances entourant la mort de sa sœur Elizabeth, Francis Barnard se rend au château où elle vivait avec son époux Nicholas Medina. Ce dernier, submergé par la culpabilité, évoque des voix émanant des murs de la demeure. Dans ce récit fantastique où, de nouveau, une supposée malédiction permet d’explorer les mécanismes de la folie, l’époque et le cadre plus exotique qu’à l’accoutumée (milieu du 16 e siècle en Espagne) font évoluer la forme vers plus de légèreté et de fantaisie. Dans le rôle du veuf éploré et perturbé, Vincent Price flirte allègrement avec le cabotinage, les partitions du reste de la distribution venant également contraster avec l’austérité des lieux. Emporté  par le jeu de pistes entre les murs de l’enceinte -scénario du l’écrivain Richard Mathesson -, nous serons encore plus comblés par son dénouement dans la bien nommée chambre des tortures.

L’enterré vivant (The Premature Burial, 1962)

Persuadé qu’il est destiné à être enterré vivant, Guy Carrell se terre dans sa vaste propriété. Follement éprise de lui, Emily réussit à le persuader qu’une vie à deux peut le sortir de cette funeste obsession. Mais, rapidement, l’angoisse reprend le dessus … Comme dans La chambre des tortures, le scénario, écrit ici par Charles Beaumont – autre précieux fidèle de Corman -, explore et exacerbe les affres dans lesquelles la catalepsie peut conduire ses victimes -blocage du corps qui peut laisser supposer la mort. Vincent Price ne pouvant être de la partie -pour des raisons contractuelles expliquées dans le bonus par Olivier Père- c’est Ray Milland qui hérite de la figure tourmentée, pivot de l’angoisse. La plus grande intériorité de son jeu augmente le trouble et l’empathie que le spectateur peut ressentir pour cette victime auto-désignée. Tandis que son flegme légendaire doublé d’une bonne dose d’ambiguïté nous plongent dans le trouble des personnages Hitchcockiens. Les scènes en extérieur sont – ce n’est pas toujours le cas chez Corman – aussi, voire plus inquiétantes que celles des manoirs mystérieux. Les passages oniriques, élégamment colorés par de simples filtres, possèdent un charme délicieux, d’autant plus lorsque l’humour s’invite, comme lorsque l’arsenal de précautions imaginé par Carrel s’effondre. Plus décalé et original que La chambre des tortures cet Enterré vivant est tout simplement vivifiant.

Le  Corbeau (The Raven, 1963).

Depuis la disparition de sa femme, le docteur Craven (Vincent Price) vit seul avec sa fille. Ne pratiquant la magie que dans son cadre privé, il se trouve obligé de sortir de sa réserve lorsqu’un corbeau vient lui demander de l’aide. Il s’agit en réalité du docteur Bedlo (Peter Lorre), victime d’un sort jeté par un autre magicien, Scarabus (Boris Karloff). Ce combat de sorcier permet de réunir trois légendes du cinéma de genre dans une fantaisie fantastique : Karloff et son petit sourire sardonique en coin, Price tout en souplesse et en second degré, et Lorre en alcoolique débonnaire et roublard. Ajoutons la présence bondissante de Jack Nicholson dans l’un de ses premiers rôles. L’inventivité – mention spéciale pour l’animation du corbeau- et la naïveté des trucages, les maladresses répétées des personnages, le magicien Corman nous téléporte en enfance.  Un charme fou qui inspirera sans nul doute les créateurs d’une série télé qui a fait le bonheur de plusieurs générations : Ma sorcière bien aimée.

La chambre des tortures/ L’enterré vivant/ Le corbeau. Sorties Blu-Ray chez Sidonis Calysta. Début mai 2024

 

 

 

 

 

 

 

 

Titre original : The Pit and the Pendulum/ The Premature Burial/ The Raven

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Durée : 85 mn


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