Jules César (Julius Caesar, 1953)

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Un casting prestigieux pour un film dont l´action est réduite à l´affrontement et aux habiles joutes verbales des protagonistes. Intense dans sa représentation de l´humain…

Jules César. Charismatique Empereur romain, chef guerrier de renom, terreur des foules et du Sénat… Ici, il n’en est point question. Jules César n’est pas charismatique. Il a des défaillances physiques, il est atteint du « haut mal », il est sourd et laid. La crainte qu’il inspire et sa réputation n’ont pas de raison qui soit connue. Cette représentation pathétique contrefait l’idée du tyran qui se hisse à l’égal de Dieu. Le César de Mankiewicz est apeuré par la mort, arrogant dans sa stupidité, privé d’une aura de leader. Omnipotent, il meurt lamentablement devant la statue de Pompée, victime des coups de couteaux des félons machiavéliques ayant eu sa peau.

Le film questionne la notion de pouvoir dans l’image désacralisée du chef. Un leader chute suite à une conspiration de sénateurs au rang desquels Cassius ou Brutus. Puis Marc-Antoine, fidèle et loyal sujet de César, devient le personnage principal du récit après avoir gagné sa légitimité auprès du peuple. Sa démonstration, lors de son discours passionné et furieux contre les traitres ayant tué le leader de Rome, demeure l’une des plus intenses séquences théâtrales du cinéma. Le peuple a trouvé en lui l’incarnation de leur présent et de leur futur. Il se subsume magistralement en lui, à ses vélléités de vengeance et de pouvoir par le prisme de gros plans, de plongées et de contre-plongées. Le pouvoir à retrouver une incarnationen Marc-Antoine. Il lui redonne ses lettres de noblesse.

Le théâtre du film est le film lui-même. La pièce de William Shakespeare est filmée sans équivoque. La caméra se permet quelques mouvements mais l’espace reste fermé, cloisonné dans un espace trois murs étouffant. On ne respire que lors du guet-apens inspiré par Marc-Antoine contre les troupes romaines des assassins de César. La séquence revêt les codes et particularités du western : un chemin de terre coincé entre deux falaises, les fantassins aspirés par le centre du cadre, les ennemis les attaquant par surprise du haut des falaises à l’aide de flèche et de lances…

La figure du nouvel héros, du nouveau leader acquiert contenance et densité dans l’affrontement et dans la révélation, la capacité à combattre, à tuer ses adversaires. Une légitimité que Marc-Antoine renforce par la guerre, par les actes et non plus par la parole. L’intensité dramatique du film, au-delà du fait de puiser dans le texte shakespearien des paraboles lyriques, dramatiques ou pathétiques, provient des jeux de trahisons et de dominations psychologiques auxquels les personnages s’exercent. La rhétorique a une place importante. Marc-Antoine convainc le peuple en détournant et vidant de sens l’expression « hommes honorables » qui lui servait à qualifier avec ironie et cynisme Brutus, Cassius et les autres sénateurs après le meurtre de César.

Jules César est un film solide. La mise en scène est digne et respectueuse de l’œuvre de Shakespeare. Mais la théâtralité du récit rend quelque peu hermétique l’œuvre malgré un casting prestigieux (Brando, John Gielgud, James Mason…). D’ailleurs, il se pourrait même que le casting soit un rempart à l’identification face aux personnages. La volonté de déplacer la ligne du pouvoir par un chef manquant de charisme et de majestuosité est intéressante. La pulvérisation de cette ligne et la polyphonie des seconds-rôles diluent la notion de pouvoir et la rendent parfois evanescente. Subtil et puissant.

Titre original : Julius Caesar

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Durée : 120 mn


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