Funambules

Article écrit par

Un documentaire qui enfourche le problème de la folie sans détour.

Voici un film documentaire qui enfourche le problème de la folie et des borderline sans détour. Et c’est magnifique. Funambules met en scène quelques personnes qu’Ilan Klipper a suivies quelques heures, quelques jours et qui, chacune, a joué le jeu sans le vouloir vraiment, ou sans trop le savoir. Et surtout, comment se fait-il que nous nous retrouvions presque tous dans chaque portrait, nous qu’on dit « normaux » et surtout après ces deux confinements qui ont failli nous rendre dingues. Personne ne sait en fait de quoi est faite la frontière qui nous sépare de la folie. Personne ne sait jusqu’à quel point elle résiste. Aube, Yoan, Marcus, eux, ont franchi le seuil. Ils vivent de l’autre côté du miroir. C’est à ce voyage un peu étrange, pas toujours facile, que nous invite ce film très poétique et qui a le mérite de nous donner des gens à aimer, tant ils sont attachants.

On se souvient qu’Ilan Klipper nous avait marqués avec son premier long-métrage de fiction qui évoquait Kant et dont la poésie était vraiment magistrale et proche aussi de la folie. Qui mieux que lui pour en parler ? « Après ma première fiction, Le Ciel étoilé au- dessus de ma tête en 2017, mon agent m’a dit que je devais monter une marche (rires) ! Passer à une étape supérieure dans ma carrière. Or n’ayant absolument aucun plan de carrière, j’ai pris l’exact contre-pied : j’ai eu envie d’un film qui ne rentre dans aucune case, et de poursuivre une démarche de recherche, la seule qui m’intéresse quand je fais du cinéma. » Funambules n’entre en fait dans aucune case chère au cinéma et à ses petits comptables assermentés qu’ils soient de la critique officielle ou du CNC. Funambules joue sur l’imaginaire et nous tend un miroir qu’il faut savoir accepter tant le portrait qu’il nous offre de ces personnes un peu mises à l’écart n’est pas si éloigné de notre réalité. Tout le monde marche sur un fil comme dans une certaine chanson de Sandie Shaw, l’important est d’en avoir conscience et de ne pas tomber, ou alors de savoir se relever.

Et c’est en ce sens, justement dans cet art de trouver les bonnes personnes assez poétiques pour nous donner à voir et à rêver qu’Ilan Klipper fait vraiment du cinéma. « Je suis allé faire le casting de mes personnages dans son hôpital. Comme pour une fiction, il faut trouver des gens qui ont quelque chose en plus. Ceux avec qui il se passe soudainement quelque chose quand on les filme. Ceux qui permettent d’accéder à un univers étrange, poétique. Pour éviter de basculer dans le sordide. Aube et Yoann avaient ce truc en plus, par exemple. »

Réalisateur :

Année :

Genre :

Pays :

Durée : 75 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.