Festival de Cannes 2022 – Jour 2

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Stars, Russie et Romy.

Grosse fatigue

Aujourd’hui, le compte-rendu commence par un grand coup de gueule. La billetterie en ligne ne fonctionne pas du tout ! On ne peut pas passer décemment au moins cinq heures par jour pour tenter ne serait-ce que de se connecter. Une société qui base tout sur le numérique commet une grossière erreur, mais si c’est son choix, qu’elle l’assume au moins en se donnant les moyens d’y bien parvenir car, là, il ne s’agit absolument pas d’une manière de nous simplifier la vie. Même France Info parle de ce problème cannois ! Il serait bon d’arrêter avec la manipulation, d’autant que le festival encaisse une somme rondelette pour la préservation de l’environnement. Cet argent est-il réinvesti dans l’informatique ? Pourquoi je vous raconte tout cela en fait ? Simplement parce que sans billet, il n’est pas possible d’entrer dans une salle. Du coup, impossible de voir le film de Marco Bellocchio, Esterno Notte. Dommage mais Libé en dit le plus grand bien, c’est déjà ça ! « Esterno Notte, Bellocchio change le plomb en or. Le cinéaste italien revisite un traumatisme national, le rapt et l’assassinat de l’homme politique Aldo Moro en 1978 par les Brigades rouges, dans Esterno Notte, série magistrale et féroce qui ressemble surtout à un film fleuve en six actes. »

La femme de Tchaïkovski et le président ukrainien

Du coup, on se rabat sur le nouveau film de Kirill Serebrennikov qui fait avec son équipe la première montée des marches du festival 2022. Hier, pendant la soirée d’ouverture le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, était invité en mode virtuel. Le lendemain, enfin un Russe invité, certes opposé à Poutine, qui foule le tapis rouge. On avait adoré Leto, plus qu’adoré La fièvre de Petrov l’année dernière. Son dernier opus, La femme de Tchaïkovski, va certainement défrayer la chronique. Il est vrai que les critiques sont hystérisés à Cannes et les problèmes avec la billetterie n’arrangeront rien. Traqué et condamné dans son pays, le cinéaste russe de Leto, exilé à Berlin, arrive à Cannes avec un film sur la femme de Tchaïkovski avant de mettre en scène Le Moine noir de Tchekhov à Avignon cet été et Lohengrin à l’Opéra Bastille l’année prochaine. Infatigable et génial, il nous offre encore une pépite sur laquelle nous reviendrons car, ici, la place nous est comptée, mais ce qu’on peut dire c’est que ce film compte parmi les oeuvres majeures. Le festival ne fait que commencer, cependant il ne serait pas étonnant qu’il devienne la Palme d’Or. Couleurs superbes, ambiance éthérée, comment ne pas succomber à la beauté du film et de cette femme qui a épousé Tchaïkovski pour sa notoriété, lui qui était homosexuel et qui écrivait à son frère : « C’est une femme dont je ne suis absolument pas amoureux ». De son côté, Serebrennikov (comme pour Apichatpong Weerasethakul, il va falloir s’entraîner à prononcer son nom pour briller dans les dîners en ville) a confié à L’Obs : « Elle est bizarre. C’est la raison de mon intérêt pour Madame Tchaïkovski. »

 

 

Une Romy sinon rien

Pour les mélancoliques et les nostalgiques, un film plus calme dans l’après-midi : l’hommage magnifique à la grande Romy Schneider à qui la Cinémathèque française consacre déjà une exposition, Romy femme libre. Un film de Lucie Caries à partir d’archives avec la voix de Swann Arlaud pour les commentaires, ce qui ne gâche rien. Femme libre, rebelle et très mélancolique, on gardera toujours le souvenir de cette écorchée vive. Et le cinéma nous y aide pour sûr. Romy Schneider nous accompagne depuis si longtemps qu’il nous semble l’avoir toujours connue. Elle a plusieurs fois changé de vie, quitté des hommes et des pays pour tout recommencer ailleurs. Elle a arraché les rôles qu’elle voulait, en attirant sur elle le regard des plus grands cinéastes de son époque. Au-delà de l’icône qu’elle est devenue, Romy était d’abord une femme libre. Qui n’a jamais cessé d’avancer. Et qui était très aimée.

La vie de Sy dans les tranchées

On attendait beaucoup aussi Tirailleurs de Mathieu Vadepied qui s’était fait connaître avec le film La vie en grand sur un garçon d’origine africaine, interprété par Balamine Guirassy, en échec scolaire. Un film très attachant que j’ai aimé aussi pour des raisons personnelles puisque j’étais le professeur de Balamine. Mais Mathieu Vadepied s’est surtout fait connaître ensuite pour la réalisation de 15 épisodes de la série En thérapie et déjà pour son rôle de directeur artistique pour Intouchables en 2011. Tirailleurs, avec Omar Sy, fait l’ouverture de la Sélection « Un certain regard », un film qui revient sur les tirailleurs sénégalais dans l’enfer des tranchées. En 1917, Bakary Diallo s’enrôle dans l’armée française pour rejoindre Thierno, son fils de dix-sept ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble. Galvanisé par la fougue de son officier qui veut le conduire au cœur de la bataille, Thierno va s’affranchir et apprendre à devenir un homme, tandis que Bakary va tout faire pour l’arracher aux combats et le ramener sain et sauf. Le scénario est de Mathieu Vadepied et Olivier Demangel qui avait déjà participé au scénario de La vie en grand.

Finir en beauté avec Tom Cruise

Le otto montagne, autrement dit Les huit montagnes, est un film où la nature est mise en avant. On ne pourra pas vous en dire plus car on est arrivés trop tard à la projection. Problème d’allumage avec cette cuvée Cannes 2022, un peu bouchonnée pour tout dire. Mais on verra les jours suivants, l’intendance suivra-t-elle ? Réalisé par Felix Van Groenigen, le film est en compétition officielle. Les Huit Montagnes, c’est l’histoire d’une amitié. Celle d’enfants, devenant des hommes, qui tentent de ne pas marcher dans les pas de leurs pères, mais qui, à travers les chemins qu’ils prennent, finissent toujours par revenir chez eux. Pietro est un garçon de la ville, Bruno est le dernier enfant d’un village de montagne oublié de tous. Au fil des années, Bruno reste fidèle à sa montagne, tandis que Pietro est celui qui vient et repart. Leurs expériences leur font connaître l’amour et la perte, leur rappelant leurs origines et laissant leurs destins se dérouler, alors que Pietro et Bruno découvrent ce que signifie l’amitié éternelle.

Journée très chargée à Cannes, beaucoup de stress, pas mal d’émotions. Mais la plus grosse de toutes les émotions, c’était la présence en live de Tom Cruise pour la présentation de Top Gun : Maverick. Je ne sais pas trop ce que c’est, je crois que cela parle beaucoup de « gros navions » et que Tom Cruise a eu même droit à la Patrouille de France sur la Croisette qu’il a regardée avec des étoiles dans les yeux. Mais Hugo va revenir prochainement sur ce film parce qu’il l’a vu, qu’il l’a aimé, je crois. Moi je n’ai vu que la bande annonce, mais au moins 10 fois ! Allez dormez bien. On revient demain avec de nouvelles aventures.

 

Retrouvez aussi :

Festival de Cannes 2022 – Jour 1


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