
Comme Champion dans Les Triplettes de Belleville, Paul possède un aspect légèrement autiste ou, du moins, profondément perturbé. Il est d’ailleurs tellement traumatisé que cela affecte totalement ses relations sociales, qui sont inexistantes hormis celle, superficielle et insignifiante, qu’il entretient avec ses tantes ainsi qu’avec les connaissances de ces dernières. L’entourage du jeune Paul n’a pas moins de soixante-dix ans.
D’un film à l’autre, on retrouve certains détails de prédilection du cinéaste. Ainsi les héros de Sylvain Chomet, à l’image des grands burlesques, sont toujours de grands solitaires maladroits qui portent en eux une apparence de clowns malheureux. Les autres, également, possèdent quelque chose de caricatural et de maniéré, dans leurs mimiques et leurs gestuelles, donnant ainsi l’impression d’habiter un tout autre monde que le nôtre. Les deux tantes de Paul, qu’on a l’impression d’avoir croisées plus jeunes à la terrasse du café du Paris je t’aime de Chomet, ressemblent aux deux sœurs de Cendrillon qui se seraient assagies en vieillissant – et en voyant leur sœur mourir sous leurs pieds, également.
Cependant, là où nous aimions, dans les films de Chomet, le côté marginal et burlesque de ses personnages, avec l’influence omniprésente de Tati, dans Attila Marcel, certains de ses héros ont désormais plutôt l’air des marginaux-clodos que l’on peut croiser dans les films de Jeunet. Certes, il y a toujours de la magie, mais la poésie n’est plus la même.

Le film comporte cependant de très belles scènes, qui nous enchantent et nous transportent dans un univers à la fois réel et illusoire. Ainsi la séquence entre le père et la mère de Paul, qui se retrouvent ensemble sur le ring pour un corps-à-corps érotique et bouleversant, les deux amoureux s’affrontant en une valse mi-sensuelle mi-violente. Il y a quelque chose de beau et de funeste dans cette danse de fantômes aux silhouettes sculpturales. Une autre danse encore, plus joviale et rieuse cette fois, nous emporte à la fin du film sur une plage de Trouville où les deux tantes, qui ne sont pourtant plus si jeunes, gambadent et poussent la chansonnette, gesticulant comme deux gamines surexcitées. Nous sommes emportés avec elles dans leur ivresse et cet hymne à la vie qui pousse dans les bras d’Hélène Vincent une Bernadette Lafont si vivante et enthousiaste nous affecte tout entiers. Attila Marcel fut, en effet, le dernier film de cette immense actrice.

Nous saluons cette sortie DVD qui va permettre à de nombreux spectateurs de découvrir ce film qui a trop peu circulé dans les salles de cinéma et qui fait cependant partie intégrante de la filmographie et des expériences d’un grand cinéaste.
Attila Marcel, de Sylvain Chomet – DVD édité par Pathé Distribution – Sortie le 5 mars 2014.