Le premier long métrage du réalisateur Étienne Comar brille par sa musicalité du détail, sa réalisation presque documentaire et sa fiction enchanteresse. Une réussite.
Difficile pour un premier film de s’attaquer au maître guitariste, Django Reinhardt. Et pourtant, avec un travail très fin sur l’artiste, une volonté de ne pas faire un biopic calqué sur la réalité, un choix de tracer une période courte et méconnue de la vie de Django – 1943, l’occupation allemande, Étienne Comar propose une tranche de vie forte, mêlée de concerts réalistes et de mises en scène sous tension.
Reda Kateb dans la peau de Django
Guitare à la main, une main abîmée, cheveux plaqués en arrière, costume blanc de tsigane charismatique, Django a laissé en plus de sa fabuleuse musique, une empreinte dans l’imaginaire collectif. Un homme calme, passionné, créant, même en temps d’Occupation, un microcosme musical qui pousse à l’évasion, au rêve, à la joie. Au sommet de son art, au début du film, il devient en quelques temps celui qui anime Paris, ses Folies Bergères, jusqu’à résonner dans les oreilles des Allemands, désireux de l’envoyer faire une tournée germanique. De ce refus, de cet exil en Suisse, Django en fait une force, un combat. Et sous ces traits de militants musical, esprit indépendant, ne se laissant pas manipuler, le réalisateur a choisi Reda Kateb. Minutieux, avec sa gueule charmante et crédible de tsigane – un costume déjà porté dans le film qui l’a rendu célèbre aux yeux du public,Un Prophète (Jacques Audiard, 2009) l’acteur français fanatique de musique joue comme il respire, doublé par moments et gros plans, sans fausse note.
Des musiciens plutôt que des acteurs
La force du film réside dans son choix de mise en scène mais aussi son casting. Plutôt que de faire appel à des acteurs pour jouer des musiciens, il est allé chercher des musiciens devenant acteurs. Et par ce procédé, la musique devient aisément un personnage principal du film, délaissant l’aspect biopic pour favoriser une écoute et un regard sur une période donnée de la vie de Django Reinhardt. La musicalité du long-métrage résonne malgré l’Histoire, malgré les chutes et les courts plaisirs. On se laisse très facilement emporté par ce rythme soutenu, ces amours classiques et passionnels, ses liens familiaux forts et cette culture tsigane enivrante. Travaillé, le scénario a été écrit avec minutie, ne laissant aucune place au doute ou à l’approximatif. On sent une maîtrise totale des scènes musicales, des liens entre les personnages et de la fiction amené dans un film qui se veut presque documentaire. C’est fin et entraînant, comme une musique du passé s’inscrivant dans le regard d’un réalisateur d’aujourd’hui.
Un regard musical juste
Que l’on soit plus âgé, adorateur de Django Reinhardt, jeune musicien connaisseur, ou totalement passé à côté de ce guitariste génie, peu importe. Le film Django apporte une vision d’un artiste, pendant l’Occupation, jouant d’histoires d’amour et de choix personnels. Tout public, extrêmement bien fichu, ce film se démarque d’un simple biopic sur Django Reinhardt en proposant, comme peu de cinéastes le font, de placer la musique au même rang que la réalisation, se laissant avec plaisir regardé, écouté, réfléchir. À croire que la volonté d’Étienne Comar a atteint son but d’origine, « Je me suis dit que cette musique trans-générationnelle par le charme et la jouissance immédiate qu’elle provoque avait quelque chose d’envoûtant, de vital et salvateur. Autant de raisons qui m’ont donné envie de me plonger dans la vie de Django Reinhardt ».