Dans l’ombre de San Francisco (Norman Foster, 1950).
Lors d’une promenade nocturne, Frank Johnson (Ross Elliott) est témoin d’un assassinat. Le meurtrier cherche alors à l’abattre, mais ses balles n’atteignent que son ombre. Interrogé par I’ inspecteur Martin Ferris (Robert Keith), Franck qui a peur de témoigner va prendre la poudre d’escampette. Ferris va alors fait pression sur l’épouse de Frank, Eleanor (Ann Sheridan) pour retrouver le témoin. Au même titre que Daniel Legget (Dennis O’Keefe), un journaliste qui se veut bien plus malin que les forces de l’ordre. Ambiance pesante dans la pure tradition des films noirs hollywoodiens, thriller trépidant rendu angoissant suite à un twist très astucieux, Dans l’ombre de San Francisco ne possèdent pas que ces deux atouts de base. La recherche menée par Eleanor relève moins de l’enquête policière que de la recherche de la véritable identité, ou plutôt de la véritable sensibilité d’un homme dont elle s’était progressivement éloignée au cours de leurs quatre années de vie commune. Norman Foster « invente » le polar de remariage, en quelque sorte. Les stéréotypes hommes-femmes sont inversés. Frank est un homme qui doute de son talent – en tant que dessinateur-, fuit devant le danger. Les flics ne brillent pas par leur efficacité. Alors que, malmenée, sous pression en permanence, Eleanor fait preuve d’une solidité à toute épreuve et surtout assume sa prise de distance avec les conventions : « Je préfère être achetée que séduite », « Je suis une femme égoïste », » Chacun doit disposer de son libre arbitre »…. Ann Sheridan, également productrice du film, joue avec nuances de sa beauté sévère pour impressionner tout son monde. Du très bel ouvrage.
Piège à minuit ( David Miller, 1960).
Épouse quelque peu délaissée d’un homme d’affaires britannique, Kit Preston (Doris Day) voit sa vie menacée par un inconnu qui la traque d’une façon de plus en plus pressante. À plus d’un titre, Piège à minuit peut être qualifié d’Hitchcockien. Par son intrigue à tiroirs, par la façon d’enfermer son héroïne dans une spirale diabolique qui la discréditera aux yeux de tous – époux, ami, policier -, sauf ceux d’un illustre inconnu tombé éperdument amoureux. Par la présence d’interprètes qui ont habité l’univers du grand maître du suspens : Doris Day (L’homme qui en savait trop, 1956), John Gavin (Psychose, 1960), John Williams (Le crime était presque parfait, 1954), et par la silhouette d’un Rex Harisson qui rappelle celle de Ray Milland dans le film précédemment cité, par son flegme et son ambiguïté. Pour préserver tout l’intérêt du Whodunit, nous tairons ici le nom de la référence la plus probante. David Miller qui ne prétend nullement rivaliser avec la malice et l’inventivité d’Hitchcock, convertit cette modestie en un exercice de style parfaitement efficace. Dans un rythme haletant, la tension s’accroit au fur à mesure que les cartes sont rebattues, jusqu’à semer la confusion dans les esprits. L’habilité du scénario et son corolaire montage d’une précision horlogère se doublent de séquences mises en scène avec un véritable brio. La poursuite après l’intrusion du harceleur au domicile de Kit, et surtout la scène d’ouverture qui nous plonge in media res dans l’épouvantable épreuve à suivre. Dans les rues surréalistes d’un Londres noyé dans un brouillard à couper au couteau, l’héroïne menacée par une voix sortie d’outre-tombe tente de retrouver son chemin, au bord de l’asphyxie.
Ce Piège à minuit est un véhicule haut de gamme pour Doris Day. À défaut de disposer d’occasions d’exprimer son délicieux sens de la comédie, la star exprime avec subtilité et intensité, dans un lent crescendo, toutes les nuances psychologiques associées au drame. Personnage principal, présente dans la quasi totalité des scènes, son jeu est mis en lumière, au sens propre et figuré par une photographie visiblement tombée sous son charme.
Dans l’ombre de San Francisco/ Piège à minuit. Deux combos Blu ray +DVD chez Elephant Films.