Fut un temps, antédiluvien pour les moins de vingt-ans, où la télévision française puisait dans le patrimoine littéraire français ses plus belles inspirations : Les rois maudits (Claude Barma), Vipère au poing (Pierre Cardinal), Chez Maupassant (Gérard Jourd’hui et Gaëlle Girre). Cette série Claudine, de quatre téléfilms,diffusée en 1978, figure également, sans aucun doute, dans les parmi les joyaux du petit écran.
La lettre et l’esprit.
Adapter ou plutôt adopter Colette, c’est faire la part belle à sa prose. Sa langue simple malicieusement équivoque, parsemée de plaisanteries joliment fleuries : « Elles vont examiner la fente qui se trouve dans le mur de la chambre » s’exclame Claudine au sujet des deux instructrices qui se sont absentées, dans Claudine à l’école. Des répliques pointues comme des flèches qui jaillissent à toute vitesse. Rompue à la rythmique endiablée de la comédie populaire, Danielle Thomson, la scénariste de La Grande Vadrouille, Le Cerveau… a su, ici, en tant que dialoguiste, retrouver toute la verve de l’univers de Colette. Accorder une place prépondérante au texte, c’est prendre le risque de conduire le jeu d’acteur vers le récitatif, un écueil assez fréquent dans les productions télé qui rendent hommage aux grands auteurs. Dans Claudine, à l’exception d’un tout petit nombre de seconds rôles comme celui de Mademoiselle Aimée (Dominique Basquin), les comédiens sont tous soucieux d’apporter leur souffle, leur charme, personnel à leur personnage. Jean Desailly, sa douceur, son second degré, Georges Marchal, son élégance et sa prestance que la peur de perdre Claudine rend pourtant vulnérable, Catherine Samie, sociétaire de la Comédie-Française, en institutrice qui a tant de choses à découvrir et à cacher… Et, le rôle le plus important sur qui repose tout le charme équivoque de la série, Claudine : Marie-Hélène Breillat.

Double parfait
Colette a souvent nié le caractère autobiographique de Claudine qu’elle considère comme une œuvre de jeunesse. Mais comment ne pas penser y trouver le double de l’écrivaine devant la vivacité d’esprit de cette douce ingénue qui prône la liberté de penser, aime passionnément sans distinction de sexe. L’affection pour les chats et la nature, son esprit brillant. Parmi les interprètes célèbres qui ont incarné une jeune héroïne de Colette, comme Leslie Caron était parfaite au cinéma, et Audrey Hepburn au théâtre pour le rôle-titre de Gigi, Marie-Hélène Breillat illumine de tout son charme et de sa grâce sa Claudine. Pétillante, douce, capable dans les moments de pur bonheur de laisser brusquement transparaître la fragilité de cet état de grâce. L’enfant-femme, la tête pleine de rêves, du premier épisode, Claudine à l’école, qui, au fil des épisodes –Claudine à Paris, Claudine en ménage, Claudine s’en va– deviendra une femme-enfant désireuse de retrouver le cocon protecteur de sa jeunesse à chaque déception, à Montigny le pays de l’enfance. Marie-Hélène Breillat, qui a quelques années de plus que son personnage, est un véritable ouragan de douceur. Espiègle et non perverse -comme Apollinaire qualifia par ailleurs Colette avant de se raviser-, Claudine veut, comme seul les hommes en avaient le privilège, vivre selon ses propres désirs. Amours saphiques de jeunesse, Luce, de femme mariée Rézi, en ménage avec un homme mûr (Renaud) dont elle est totalement sous le charme.
Tout ce beau monde est dirigé avec une belle énergie par un artificier solidement armé, Édouard Molinaro (L’emmerdeur, La cage aux folles…). Ponctuée d’une partition musicale aux douces intonations nostalgiques, signée Claude Bolling, la série des quatre téléfilms Claudine possède un charme et une saveur indémodables.
Claudine – L’Intégrale de la série – Coffret 4 DVD chez Éléphant Films. Nouveauté d’octobre.




