Chroniques de Cannes 2021 : Jour 5

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Plongée au cœur du Festival de Cannes : retour sur la journée du samedi 10 juillet 2021

Aujourd’hui, on revient à la section Un certain regard. Au programme, à 10 heures salle Debussy, Delo film russe d’Aleksey German Jr. qui dénonce fort opportunément la corruption et l’autoritarisme en ces temps troublés de délation via les réseaux sociaux et d’abus de pouvoir des autorités politiques. David, professeur d’université dans une petite ville de Russie, accuse ouvertement le maire de corruption sur les réseaux sociaux. Rapidement, il se retrouve assigné à résidence pour détournement de fonds.

Du coup, on rate un film belgo-mexicain qui passe à 8h30 toujours en salle Debussy. On ne peut pas être partout, même si ça finit par être frustrant : voilà un leitmotiv de ce festival, surtout après les frustrations dues aux divers confinements que nous avons subis. La Civil de la réalisatrice belge Teodora Ana Mihai raconte l’histoire de Cielo, une mère à la recherche de sa fille enlevée par un cartel dans le nord du Mexique. Les autorités refusant de lui venir en aide, Cielo décide de prendre elle-même les choses en main. On rate aussi une pépite, Les poings desserrés de la jeune réalisatrice russe Kira Kovalenko dont le film est très attendu à 11h30. Dans une ancienne ville minière en Ossétie du Nord, une jeune femme, Ada, tente d’échapper à la mainmise étouffante d’une famille qu’elle rejette autant qu’elle l’aime.

A 14h, on aime beaucoup Bonne mère de Hafsia Herzi, dont on avait adoré il y a deux ans le Tu mérites un amour, accueilli presque à la dernière minute à la Semaine de la Critique et qui en avait étonné plus d’un, laissant entrevoir un talent réel de réalisatrice pour la jeune comédienne découverte par Abdellatif Kechiche dans La graine et le mulet. Ici encore, elle tourne à Marseille et en fera tourner bien des têtes avec ce film présenté aussi dans la section Un certain regard. Ici encore elle joue avec la symbolique de la madone des Marseillais qui est aussi l’archétype d’une bonne mère. Jugez-en : Nora, la cinquantaine, femme de ménage, veille sur sa petite famille dans une cité des quartiers nord de Marseille. Après une longue période de chômage, un soir de mauvaise inspiration, son fils aîné Ellyes s’est fourvoyé dans le braquage d’une station-service. Incarcéré depuis plusieurs mois, il attend son procès avec un mélange d’espoir et d’inquiétude. Nora fait tout pour lui rendre cette attente la moins insupportable possible… Encore un film sur les banlieues et les jeunes, vous direz-vous peut-être, mais c’est sans compter sur la petite musique d’Hafsia.

On termine la journée consacrée en partie à la section Un certain regard, qui sera reprise tout de suite après la clôture du festival au Studio Medicis de Paris comme le veut la tradition, par Et il y eut un matin projeté à 16h30. Ce film israélien d’Eran Kolirin raconte l’histoire de Sami qui vit à Jérusalem avec sa femme Mira et leur fils Adam. Ses parents rêvent de le voir revenir auprès d’eux, dans le village arabe où il a grandi. Le mariage de son frère l’oblige à y retourner le temps d’une soirée… Mais pendant la nuit, sans aucune explication, le village est encerclé par l’armée israélienne et Sami ne peut plus repartir. Très vite, le chaos s’installe et les esprits s’échauffent. Coupé du monde extérieur, pris au piège dans une situation absurde, Sami voit tous ses repères vaciller : son couple, sa famille et sa vision du monde.

Pendant ce temps, Jodie Foster a été honorée d’une Palme d’honneur (elle a aussi ouvert en français le festival en compagnie de Pedro Almodovar, Spike Lee et Bong Joon-ho. Marco Bellochio sera lui aussi palmé d’honneur. Et ainsi va le festival. Camille Cottin au bras de Matt Damon fait la tournée des médias. Qu’on l’aime ou non, il faut avouer toutefois qu’elle a parcouru un beau chemin depuis La Connasse de Canal+. Comme quoi la télé peut conduire au cinéma, alors que l’inverse n’est pas toujours vrai cependant.

Et la compétition ? L’avons-nous délaissée pour autant ? Non, on y revient à 11 heures dans la grande salle Louis Lumière avec La Fracture, film français de Catherine Corsini qui revient enfin, entre fiction et documentaire, sur les Gilets jaunes bien trop vite oubliés et massacrés. On en attend beaucoup, et on y reviendra. C’est presque un huis-clos politique et mélancolique. Raf (Valéria Bruni Tedeschi) et Julie (Marina Foïs), un couple au bord de la rupture, se retrouvent dans un service d’urgence proche de l’asphyxie le soir d’une manifestation parisienne des Gilets Jaunes. Leur rencontre avec Yann (Pio Marmaï), un manifestant blessé et en colère, va faire voler en éclats les certitudes et les préjugés de chacun. À l’extérieur, la tension monte. L’hôpital, sous pression, doit fermer ses portes. Le personnel est débordé. La nuit va être longue…

Autre film français juste après, à 18h45, De son vivant d’Emmanuelle Bercot, présenté hors compétition et dont on attend beaucoup surtout si l’on se souvient que son tournage avait été suspendu il y a deux ans par l’infarctus qui avait frappé Catherine Deneuve. Elle y est encore  une fois émouvante et surprenante, elle qui s’est qualifiée elle-même dans son autobiographie A l’ombre de moi-même comme un « bon petit soldat ». Le déni d’un fils condamné trop jeune par la maladie. La souffrance d’une mère face à l’inacceptable. Au milieu de ce couple, un médecin et sa collègue luttent pour faire leur travail et un peu plus que ça…

Demain, jour du Seigneur, on reviendra très longuement sur Benedetta, mais en attendant on me signale Olga d’Elie Grappe, accueilli à l’Espace Miramar dans le cadre de la Semaine de la Critique ovationné avec interminable standing ovation hier après-midi avec plein de larmes. Hélas, je n’y étais pas mais je vais me débrouiller pour le voir à mon tour.

Je vous laisse, la météo indique plein soleil à Cannes et 28° pour toute la semaine. On me dit qu’en Normandie et à Paris, il pleut encore. Ainsi va la vie et Cannes est une bien belle ville pour y attendre la fin du monde. A ce sujet, on abordera peut-être un jour la Section éphémère sur l’environnement constituée de sept films. C’est le nouveau dada du Festival, même s’il est guère glamour avec création d’une taxe durable de 25 euros pour tous les accrédités et un encouragement à ne pas acheter de bouteilles d’eau minérale, mais à se munir d’une gourde en métal à remplir dans toutes les fontaines disséminées dans le Palais.

 

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