La photographie est luxueuse et toute en demi-teintes sépias, les robes vintage à souhait, les humeurs exacerbées au possible : tout sent bon la ripoline, les atermoiements amoureux entre deux rives, l’impossibilté d’être soi ici et là-bas. Chaque chose semble à sa place, sentiments comme bibelots. Comment Brooklyn parvient-il, alors, à être si émouvant ? Peut-être parce qu’il y a quelque chose de l’ordre de la tectonique des plaques dans le film : Europe et Amérique semblent à la dérive, toujours à portée de main sans qu’Eilis ne les touche vraiment tout à fait, jeune femme qui fait le grand écart entre ses désirs de racines et ses aspirations à une vie plus grande. Saoirse Ronan – nommée à l’Oscar de la meilleure actrice – est ici superbe, tout en grands yeux humides au travers desquels passent doutes et nuages, incarnation idéale du “ni ici ni ailleurs”. Brooklyn est, à ce titre, proche des romans de Sebastian Barry – particulièrement le formidable Du côté de Canaan -, avec lequel il partage le goût de la fresque romanesque et des rebondissements placides. Qu’Eilis soit en adéquation avec sa terre d’accueil ou étrangère chez elle, elle touche sûrement, et saura un jour donner conseil à toutes les jeunes filles qui, comme elle, effectueront la traversée de l’Atlantique.
Brooklyn
Article écrit par Jean-Baptiste Viaud
Beau mélo vintage quoiqu´un brin académique.
Eilis Lacey a une vingtaine d’années, elle est irlandaise. Elle vit avec sa mère et sa soeur, qu’elle adore. Par une faveur familiale, elle échoue – quasi littéralement – à Brooklyn, qui dans les années cinquante n’est pas encore le berceau de la hipsterisation qu’on connaît aujourd’hui, plutôt un foyer d’adoption pour immigrés venus de toute l’Europe, quartier aussi charmant que rough. Elle habite un foyer pour femmes – très belles scènes de dîners sous l’égide de la patronne -, travaille dans un grand magasin type Macy’s, rencontre un jeune Italien dont elle tombe folle amoureuse – avant qu’un coup du sort ne la ramène en Irlande, la confronte à son passé et, peut-être, à la promesse d’une nouvelle vie en terrain connu.