Pour son premier long métrage, Morris a donc choisi de coller aux basques d’Omar, Waj, Faisal et Barry, quatre Musulmans de Sheffield bien décidés à devenir des martyrs, en se faisant exploser pendant le marathon de Londres. Le problème étant qu’ils sont (très) loin d’être doués dans ce domaine, malgré leur détermination. C’est bien simple : si le contexte social (pauvreté de la classe ouvrière anglaise, forme de revanche sociale sur une société où on ne trouve pas sa place) n’était pas aussi prégnant, et le fonctionnement d’une cellule terroriste aussi finement observé, We are Four Lions aurait pu être un revival de l’humour ZAZ, tant les gags s’enchaînent à un rythme métronomique, ne reculant devant aucun artifice « hénaurme » pour déclencher l’hilarité.
Explosions de moutons et marathons de canards
Entre la séquence magistralement foireuse d’entraînement en Afghanistan, les explosions de corbeaux (et de moutons) impromptues, les achats de produits illicites sur Amazon, nos kamikazes sont présentés dès le départ, et jusqu’au bout, comme des nigauds enfermés dans une rhétorique religieuse absurde, que ce soit par faiblesse intellectuelle, ou par égocentrisme mal placé. Des pieds nickelés certes (en témoigne leur plan de se déguiser en mascottes pour s’infiltrer dans le marathon), mais qui n’en sont pas moins dangereux.
Ce n’est pas le moindre des exploits réussis pour son passage au cinéma par Chris Morris, qui a préparé trois ans durant son projet, s’adressant aussi bien aux experts du contre-terrorisme qu’à de simples musulmans. Pour aussi incapables qu’ils soient, Omar et ses amis sont in fine de véritables terroristes, et leur pathétique tentative de bousculer la société occidentale ne se fera pas sans quelques victimes collatérales. Le ton de We are Four Lions, qui fait décidément mouche sur tous les tableaux, est constamment à la farce, mais Morris a le bon goût de ne pas prendre les spectateurs pour des arriérés, y compris dans une ultime blague rélévatrice, délivrée via un faux reportage télévisé. Le réalisateur avoue ne pas trouver l’histoire de We are Four Lions « sujette à controverses », et c’est déjà, en soi, une note d’intention. Celle d’un artiste qui a bien compris, que, kamikazes ou pas, c’est en désacralisant l’inexcusable qu’on peut commencer à mieux le comprendre.
PS : un petit bravo au passage au distributeur français, qui a sans doute déjà réussi à ruiner le potentiel commercial du film par la grâce d’une affiche encore plus hideuse que celle de Holiday. Chapeau bas.