Après s’être moqué d’une certaine conception de l’information dans Présentateur vedette : la légende de Ron Burgundy (2004), puis avoir plus récemment analysé la crise des subprimes avec The Big Short (2015), Adam McKay se penche sur celui qui fut vice-président de George W. Bush de 2001 à 2009 : Dick Cheney. Patriot Act, invasion de l’Irak, Guantanamo…c’est à lui que les Américains doivent toutes ces réjouissances.
Le plein…
Que le réalisateur s’intéresse à cette figure de la politique américaine n’est pas étonnant tant Cheney est un fantasme de réalisateur ; une combinaison personnalité secrète / vie aux nombreuses zones d’ombre, en d’autres termes une page assez blanche pour faire d’une personne un personnage de fiction. Un fantasme certes, mais aussi un piège, car jusqu’où broder quand on veut tout de même raconter une histoire vraie ? Visiblement, aussi loin qu’on le souhaite, du moment qu’on l’assume. Et Adam McKay l’assume de bout en bout, sans jamais se cacher derrière une objectivité quelconque.
De fait, pour raconter l’improbable ascension du loser qu’était Dick Cheney, Vice se fait patchwork pop. Images de chaînes d’informations en continu, photos, images d’archives, publicités, faux générique…le réalisateur fait feu de tout bois pour traduire l’état d’esprit – et le foutoir – d’une époque tout en rappelant au spectateur qu’il se trouve devant une fiction, partiale mais – parce que ? – documentée (« putain on a bossé » dit le carton du début). Un choix formel peu étonnant de la part d’un cinéaste qui a fait ses premiers pas à la télévision dans l’émission L’Amérique de Michael Moore : l’incroyable vérité, qui dénonçait hommes d’affaires et politiciens discutables. Cette forme un peu baroque, un peu boursouflée attire d’autant plus l’attention sur le vide qu’est en fait Dick Cheney.
…Et le vide
D’abord rempli par l’ambition de sa femme Lynne, puis gonflé de cynisme par Donald Rumsfeld, celui qui a grandi dans une ville nommée Casper n’est en réalité qu’un fantôme sans aucune contenance – « quelles sont nos convictions ? » demande-t-il à un Rumsfeld hilare. Plus il monte vers le sommet, moins l’on comprend comment tout cela est possible ; car si ce n’est une grande patience et un instinct stratégique certain, McKay lui nie toute forme d’intelligence – nulle trace de réflexions métaphysiques dans ses prises de décision, tout juste des « hmpf ». Le film est aussi drôle que la réalité est triste : sa seule motivation est sa soif de pouvoir.
Là où Oliver Stone nous présentait George W. Bush (W, 2008) comme un paumé mal aimé en quête de la reconnaissance de papa maman, McKay ne cherche d’excuses à personne et montre Dick Cheney comme une pourriture finie. Car la démonstration est claire, l’Amérique de Trump existe en grande partie grâce à lui. Et à la facilité avec laquelle les gens regardent ailleurs, distraits par le flux d’images sur lequel repose assez ironiquement Vice.
Raconté par une voix off, cet être vide dont seules les crises cardiaques prouvent qu’il a un cœur n’a laissé aucune trace derrière lui permettant de prouver ses implications dans certaines prises de décision. Un fantôme désormais capté par Adam McKay.