Une Promesse

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Transposition guimauve sans intérêt d’une nouvelle de Stefan Zweig.

Dans la Ruhr, en 1912, un jeune ingénieur tout juste diplômé devient le secrétaire particulier du patron d’une usine de sidérurgie. La santé du chef d’entreprise se dégradant, celui-ci est contraint de rester à domicile. Bientôt, il décide d’accueillir le jeune homme chez lui pour faciliter son travail. Mais ce dernier tombe rapidement amoureux de l’épouse de son employeur, une femme de trente ans belle et réservée. Dans le huis clos de la demeure s’instaure petit à petit une passion amoureuse dissimulée derrière les regards et les silences. Soudainement, le patron choisit d’envoyer son protégé au Mexique afin d’y superviser l’exploitation de mines de fer. Mais la guerre éclate peu de temps après son départ, le tenant éloigné pendant des années de la femme qu’il aime…

L’intention, aussi louable soit-elle, ne fait rien à l’affaire : que Patrice Leconte éprouve un nouveau penchant pour le désir amoureux est une chose – bien filmer la peau, l’envie d’une caresse ou toutes ces petites choses qui trahissent une passion cachée en est une autre. C’est que justesse et sensibilité ne sont pas données à tout le monde – et n’est pas Philippe Garrel ou François Truffaut qui veut. Sur le papier, néanmoins, il est indéniable que la nouvelle de Stefan Zweig (Un voyage dans le passé), petit précis de concision où chaque effleurement et chaque regard font événement, laissait présager des enjeux émotionnels d’une rare densité. Malheureusement, même avec la participation de Jérôme Tonnerre au scénario, à qui l’on doit les prouesses de Confidences trop intimes (2004) – un Leconte mésestimé -, le résultat est fade. Dernièrement, l’inspiration du scénariste s’était d’ailleurs révélée en demi-teinte, soufflant le tiède (Elle s’en va, 2012) et le froid (J’enrage de son absence, 2012). À cette image, Une Promesse affiche des prétentions, certes réalisables, mais n’utilise pas les bons ressorts pour leur donner corps. Ce n’est pourtant pas faute de modèles sur lesquels se reposer : ces dernières décennies, le cinéma s’est pris d’un nouvel élan pour le mélodrame au sens classique du terme, amenant nombre de réalisateurs – Eastwood, Cameron, Waï, Trier, Almodovar – à exhumer le genre, parfois avec brio. Et si Leconte dispose bien des bons ingrédients pour dérouler son intrigue – le roman de Zweig, la colorimétrie printanière, la musique appuyée, le tout épaulé par un casting enjôleur -, la mise en scène étriquée et les effets saturés d’affect dont il use galvaudent l’ensemble. La palme du mauvais goût revient sans doute aux décadrages intempestifs accompagnant chaque péripétie.

 
Prisonnier de ce dispositif, Alan Rickman ne bénéficie pas des latitudes nécessaires pour déployer son jeu d’acteur. Loin de la complexité du chef d’entreprise autoritaire, froid et aimant dépeint par Stefan Zweig, il campe sous la direction de Leconte un homme monolithique sans aspérité. La performance n’est dans l’absolu pas ridicule, mais décevante. Quant aux deux acteurs principaux, personnages charnières sur lesquels repose tout l’enjeu du film, ils s’enlisent dans un simulacre de romance : chez eux, la manifestation du sentiment amoureux refoulé est bien trop ampoulée pour faire sens. À moins toutefois d’être sensible à la minauderie et aux effets de réel à l’eau de rose, difficile de se laisser prendre au jeu. Une tentative qui montre bien à quel point feindre la maladresse d’un amour naissant n’est pas si évident. Et encore moins lorsqu’il s’agit de porter le sentiment à son point d’incandescence et de glisser vers l’érotisme. Reste une chose que le cinéaste n’aura cependant peut-être pas manqué totalement, non sans risquer la caricature : l’érotisation du corps absent chère à Bataille – il n’y a qu’à voir Friedrich pianoter avec affliction quelques notes désordonnées là où Lotte jouait quelques instants plus tôt, et celle-ci s’enivrer du parfum qu’il a laissé sur ses draps. Comme une violation de l’être des partenaires qui confine à la mort. La finesse en moins.
 
À noter, enfin, que le recours à un casting anglophone pour adapter une histoire avant tout allemande est regrettable. Un choix qui ne peut d’ailleurs en aucun cas s’expliquer par l’universalité du sentiment amoureux. Car même si Zweig n’a lui-même vraisemblablement pas pensé le contexte de son œuvre autrement que comme une toile de fond accessoire, cette dernière reste significative. Navrant qu’Une Promesse ne soit finalement qu’une suite de prétextes sans réelle cohérence ni spontanéité.

Titre original : A Promise

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Durée : 108 mn


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