La volonté de mettre en images un peu plus qu’une simple histoire d’amour, d’ouvrir la comédie sentimentale à un au-delà (un jeu assez ludique autour de la possibilité que celle-ci soit ou non l’élue) enrobe le film d’une mélancolie progressive. La question du happy end étant dès le départ malmenée par la certitude d’une séparation finale, l’idée de la naissance de l’amour est voilée de l’ombre d’une perte, d’un échec. Cette séduction, ces maladresses de jeunesse sont d’autant plus précieuses, que du conte résultera fatalement un sec constat de mortalité. Will (Ryan Reynolds, attachant), en même temps que de faire un bilan affectif au prétexte de rendre à sa fille Maya son origine, se retrouve confronté au douloureux mais beau travail du temps.
Un jour, peut-être commence là où se terminent les comédies sentimentales habituelles : what story after the end ? Assurer qu’ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ne suffit plus à entériner l’éternité du couple. Dans le décor ici élu, celui d’un New-York réel, regardé sur seize ans par le biais de ses progressives campagnes présidentielles (du premier mandat de Clinton à l’arrivée de Bush fils, en passant par le scandale Lewinsky), les affaires de cœur restent choses pragmatiques. Les personnages ne sont pas programmés pour le dernier baiser, s’embrassent au contraire bien en amont des dernières minutes. Quittant son Wisconsin natal, s’éloignant géographiquement d’Emily, sa girlfriend de fac, le jeune démocrate s’expose à l’évidence d’un nouveau statu quo.
C’est ainsi que chaque nouvel événement (dramatique ou heureux) s’accompagne de son statut d’empreinte du temps, de résultat de toute une succession de petits événements subtilement imbriqués. L’évènement majeur étant bien sûr la présence actuelle, en 2007, de Maya dans la vie de Will. A croire que l’enfant, par sa curiosité, sa requête d’un point de départ à son existence, chercherait à se générer elle-même, serait « accoucheuse » tardive de son père, à dessein de s’approprier sa propre réalité. Non que le film soit en lui-même aussi complexe et cérébral, mais par sa souplesse, la constante clarté de ses enchaînements, se lit presque inévitablement l’insinuation d’un supplément.
Réfléchir et ressentir en un même instant. Aimer et se protéger d’avance de cet amour. D’où la plénitude, la grâce des moments les plus ordinaires, tels qu’une discussion nocturne entre un homme et une femme n’engageant à nulle conclusion hâtive. Le poids, la dimension sentimentale d’un objet a priori succinct (un vieux roman). L’attention portée par Will à préciser à Maya que les prénoms attribués aux trois filles de son histoire sont de pures inventions. Les sentiments d’Un jour peut-être sont aussi forts et lisibles que modérés par le contexte « expérimental » de leur tracé. Les réguliers retours au présent, repositionnant Will dans son rôle de narrateur face à son attentive auditrice, ont vocation à colmater les passions par l’ancrage d’une parole, la justesse d’une pensée.
Pragmatiques sans renoncer jamais aux vertiges de l’amour, Adam Brooks, Will, Maya, toutes les pièces de ce bel édifice qu’est en définitive Un jour, peut-être, redéfinissent piano piano l’idée même de comédie sentimentale. Rendre au genre ce qui , à force de mécanique répétition d’une recette, d’accumulation de produits d’un type de scénario trop bien rôdé, s’était sans doute quelque peu perdu en route : une ouverture des personnages au choix, à la déroute. « Definitely, Maybe ».