Depuis Un Week-end sur deux, sa première réalisation en 1990, Nicole Garcia a su imposer un style, une vraie signature dans le paysage du cinéma français. Espérons – mais ne rêvons pas – qu’Un balcon sur la mer, le dernier opus de l’actrice-réalisatrice, obtiendra les mêmes faveurs du public que le lourdingue, l’interminable et récent pensum signé Guillaume Canet ; il n’y a pas de raison, la finesse et la subtilité devraient de temps en temps être récompensés. Car ce Balcon sur la mer, par ses qualités intrinsèques – et aussi en comparaison avec une certaine production contemporaine – est, disons-le sans attendre, un vrai bonheur.
Nous sommes dans les années quatre-vingt, à Aix-en-Provence. Marc Palestro (Jean Dujardin) mène une vie tranquille avec sa femme et sa fille. Il travaille pour une grosse agence immobilière. Au cours de la visite d’une maison, il rencontre une jeune femme (Marie Josée Croze) dont le visage lui est familier. Très vite, il reconnaît Cathy, l’amour de ses 12 ans à Oran à la fin de la guerre d’Algérie. Ils deviennent amants et la jeune femme ne le détrompe pas sur l’identité qu’il lui prête. Puis elle disparaît.
Mais le thème majeur d’Un balcon sur la mer, c’est la mémoire et son corollaire, l’oubli. Les sentiments sont le produit de la mémoire, du passé et de l’enfance en particulier. Et d’une façon très subtile, Nicole Garcia et Jacques Fieschi, co-scénaristes, dans le drame personnel qui se joue, convoquent la tragédie historique. Au début, la cinéaste filme une ville déserte comme un décor. Nous ne savons pas où nous sommes. Puis apparaîtra dans ce même décor, l’espace d’un court retour en arrière, une auto-mitrailleuse en patrouille. Au fur et à mesure, sont intercalés dans le cours du récit de courts flash-back montrant l’enfance à Oran. La réalisatrice déclare avoir « filmé la guerre civile à hauteur d’enfants ». C’est ce prisme qui engendre pour grande partie toute la subtilité et tout le charme de son film. La caméra se concentre sur les enfants, les adultes restant à la périphérie. Ce sont des jours heureux pour Marc, Cathy et leurs copains. Pour les adultes, la fin d’un monde et les attentats de l’OAS. En éclairant par petites touches de plus en plus rapprochées le passé refoulé de Marc, on assiste chez lui à la résurgence d’un traumatisme enfoui : celui de la guerre civile, cette déflagration, et de l’exil précipité. Au fur et à mesure que notre héros avance dans son enquête, il retrouve le souvenir de l’expérience fondatrice de l’enfance avec l’aide inopinée de Marie-Jeanne.
Outre la qualité de la mise en scène, Un balcon sur la mer doit beaucoup à l’excellente interprétation de Jean Dujardin, habitué aux comédies mais révèlant ici son aptitude à jouer dans tous les registres. En l’espèce, celui d’un homme dont l’enfance et ses drames occultés remontent soudainement à la surface au cours d’une quête amoureuse douloureuse et purificatrice.