Trabalhar Cansa (« travailler fatigue ») joue sur les deux tableaux entre drame social et thriller horrifique. La caméra s’attarde souvent en plan fixe sur les personnages isolés, prisonniers du plan, souvent en intérieur, une douleur sourde infusant l’ensemble. En contrepartie, la mise en scène se fait plus appuyée dans les scènes nocturnes ou lors des manifestations « surnaturelles » dans la supérette : teintes froides de l’image, effets « coups de vent » « rideau qui flotte », le tout parfois mâtiné d’une dose d’humour et de recul qui montrent que les deux réalisateurs ne sont pas dupes des clichés qu’ils utilisent. Plutôt que d’être véritablement angoissant, le film joue à (se) faire peur. Du classique quoi. Juliana Rojas et Marco Dutra exploitent ainsi largement la paranoïa de leur personnage principal dont la dérive et l’impuissance de plus en plus vive se manifestent par une agressivité envers ses proches.

L’essentiel du film se laisse ainsi voir sans déplaisir – sans beaucoup de plaisir non plus il faut bien l’avouer – jusqu’au moment nécessaire de la résolution où les réalisateurs se montrent incapables de relier les différents fils de leur intrigue. Alors que les « phénomènes » du magasin étaient bien marqués comme la symbolisation des problèmes économiques du couple, par extension ceux aussi de la classe moyenne du pays, Juliana Rojas et Marco Dutra se perdent dans une justification bancale qui accentue le côté surnaturel de l’histoire. Perdant ainsi toute dimension symbolique, celui-ci devient le cœur du film, donnant ainsi l’impression que Trabalhar Cansa ne parvient pas à se sortir des situations artificielles qu’il a créé. Alors que l’artificialité (l’imposition du surnaturel comme écho au mal-être des personnages) faisait l’attrait du film, celui-ci finit par l’achever complètement et sonne finalement comme une erreur de jugement. Les cadavres seront enterrés, la sans-papiers aura ses papiers, mais les vrais enjeux du film resteront en suspens laissant la désagréable impression, au-delà d’un manque de maîtrise apparent – qu’on peut excuser pour un premier long-métrage –, d’un bâclage généralisé. Un premier film somme tout inoffensif qui ne trouve jamais sa place entre chronique sociale, dérive psychologique et enrobage fantastique.