Thérèse Desqueyroux

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Pour son ultime film, Claude Miller livre une nouvelle adaptation du roman de François Mauriac, à la hauteur de ses dernières productions.

Drôle d’idée que de s’attaquer aujourd’hui encore à Mauriac. Si l’on savait Claude Miller avide d’adaptation, on n’avait jamais envisagé le rapprochement Miller/Mauriac, et encore moins celui Tautou/Desqueyroux. Et à dire vrai, on aurait préféré ne pas avoir à le faire. C’est donc, après celle de Franju en 1962 (qui valut un prix d’interprétation féminine à Venise à Emmanuelle Riva), à une deuxième mise en images du roman le plus populaire de l’auteur français que se livre Miller pour son ultime film, présenté de manière posthume en clôture du festival de Cannes cette année. Quelques libertés sont prises, mais l’histoire reste la même : celle de la jeune Thérèse, riche héritière landaise, qui épouse Bernard, un autre héritier, le frère de son amie Anne. Ils unissent leurs pins comme le décrit le roman et insiste lourdement le film. Mais le mariage n’amène pas chez Thérèse l’effet souhaité : sans même parler d’amour (comme le lui reproche sa future belle-soeur), un apaisement ou peut-être une orientation de ses pensées. L’empoisonnement de son mari arrive alors presque par inadvertance, moins comme volonté de meurtre que comme une tentative. De quoi ? Même elle ne possède pas la réponse.

Une grande part de l’intérêt du roman réside dans l’aspect, non de confession, mais de pénétration de l’esprit de Thérèse par le lecteur dans cette marche à rebours qui s’opère dans le train et la voiture qui la ramène à Argelouse après le procès et le non-lieu accordé à la jeune femme au début du livre. Préparant dans sa tête, imaginant ce qu’elle va dire à Bernard pour, non pas expliquer son geste, mais l’expliquer un peu elle, c’est tout le personnage qui s’offre. Par la remise en ordre chronologique du récit, Claude Miller passe donc complètement à côté du roman, reste entièrement en surface et ne peut donc à aucun moment exploiter ni mettre en œuvre la complexité de son personnage. Que donne donc à voir cette Thérèse ? Une reconstitution qui fleure bon l’armoire de grand-mère, une Audrey Tautou éteinte déguisée pour lui donner un air années 30 et dont le teint cadavérique et les cernes marquées ne suffisent en rien à donner la moindre profondeur à son personnage, un Gilles Lellouche caricatural à souhait et une Anaïs Demoustier navrante – on avait déjà noté la propension de Miller à révéler le pire de ses acteurs avec Marina Hands dans l’affreux Voyez comme ils dansent (2011).

 

On court après l’anecdote dans cette Thérèse, derrière le détail sans importance pour ne pas traiter le sujet… On fait du décorum, du remplissage. On filme des jeunes filles en fleurs qui font du vélo dans la forêt et s’étendent de manière sensuelle, ou gentiment érotique, dans une barque au soleil. Certes Thérèse décrit son enfance comme la seule période heureuse de sa vie, mais de là à en donner une vision en images d’Épinal… Jolies filles, jolies lumières, jolies jambes… pour une Thérèse Desqueyroux à l’image des femmes du cinéma de Miller. Des femmes à la complexité de fantoche, mais dont le caractère ne dépasse pas l’ébauche donnée par Bernard au début du film : « Il y a tant d’idées dans cette jolie petite tête ». Le mot clef de la phrase étant évidemment « jolie », et non pas « idées ». On surligne le tout de musique pour donner un peu d’ampleur à l’ensemble. Si, pour une fois, Miller nous évite sa bouillie psychologique coutumière, son Thérèse Desqueyroux est effrayant de vide et de superficialité.

Prendre des libertés vis-à-vis du modèle soit, mais quand ces libertés ne permettent que d’en offrir une version simplifiée et appauvrie à l’extrême, on est en droit de se poser des questions sur les choix d’adaptation. Le roman est à ce point rationalisé, aplati, que tout effort semble vain. Sans même s’en rendre compte, Miller a transformé le grand questionnement d’un roman sur l’Homme en petit drame bourgeois. Et même cela, le rate. 

Titre original : Thérèse Desqueyroux

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Durée : 110 mn


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