Un service express
En bon élève qu’il se veut, John Lee Hancock connaît bien les ingrédients qui rendent si efficaces les récits hollywoodiens. A commencer par une introduction coup de poing : regard caméra, en gros plan, dans un long monologue, le personnage nous prend à partie afin de nous convaincre de l’accompagner tout au long de son parcours triomphal. Réutilisé en deux autres occasions, ce procédé est la seule touche d’inspiration venant apporter un peu de saveur à une mise en scène qui se contente de mettre en boîte un programme convenu. Certes, la photographie soignée, qui rappelle les classiques des années cinquante, ainsi qu’une bande son utilisée avec parcimonie réussissent à nous immerger dans l’atmosphère de l’époque, mais c’est bien trop peu pour nous transporter dans cette aventure. Hancock ne réussit jamais, car il semble ne pas le souhaiter, à nous faire partager l’intensité des problèmes auxquels son héros est confronté. Chaque contrariété est immédiatement résolue dans la scène qui suit son apparition. En se privant de tout temps de latence, le réalisateur annihile toute tension dramatique. L’objectif étant de louer le formidable et fulgurant développement de la marque McDonald’s, comme savent si bien le faire les documentaires économiques qui envahissent nos programmes télé. Hancock n’hésite d’ailleurs pas à en emprunter les codes pour démontrer, dessins et commentaires à l’appui, que l’efficacité de ce restaurant repose avant tout sur l’optimisation de ses locaux.
Un manque d’épaisseur
Les personnages secondaires, réduits à de pâles et minces archétypes, n’ont pour vocation que d’étayer la démonstration de force de l’exceptionnel Ray Kroc. Travailleurs, innovateurs et plein de bon sens, Dick et Maurice MacDonald sont totalement incapables de réaliser pleinement leur rêve entrepreneurial, effrayés par les risques associés à la démesure du projet. Ethel (Laura Dern), ne peut offrir que sa douceur et sa patience, mais son étroitesse d’esprit l’empêche de croire au potentiel de son mari. Inversement, Joan (Linda Cardellini), n’hésitera pas à quitter son mari, un bel et riche homme d’affaires, Rollie Smith (Patrick Wilson), pour accompagner et encourager Ray dans sa soif de réussite. Le personnage de Ray est visiblement taillé sur mesure pour un Michael Keaton, qui a pris une toute autre dimension depuis deux ans et ses performances dans Birdman (2014) et Spotlight (2015). Son énergie inépuisable imprime son rythme au récit, son jeu d’acteur, beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît, dévoile peu à peu l’avidité de l’homme. Le looser naïf du début s’est mué en un froid et inquiétant businessman. Les derniers instants du film qui éclairent la part sombre du personnage ne font finalement que raviver notre déception : en laissant entrevoir tout l’intérêt qu’un tel sujet pouvait représenter. Il aurait fallu pour cela que le metteur en scène cherche à dépasser le simple cadre de la narration.