Plusieurs jours déjà qu’on n’a pas vu Simon Werner au bahut. Encore un truc pour se faire remarquer et jouer les rebelles ténébreux. A moins qu’il ait fugué… Vu sa mère, pas étonnant. En même temps, avec une meuf aussi canon qu’Alice, qui aurait envie de prendre le large ? C’est peut-être vrai après tout, cette histoire de trafic de drogue…
Simon Werner a disparu, donc. C’est même le titre de ce premier long métrage du français Fabrice Gobert. Un énoncé volontairement plat (aussi rébarbatif qu’une banlieue versaillaise dans les années 90, là où se place l’action), à partir duquel chaque élève va mener sa petite enquête et échafauder les explications les plus bancales.
Le découpage narratif "à la Elephant" – la même histoire racontée du point de vue de plusieurs ados – s’impose donc de lui-même. Référence, hommage ou réponse au film de Gus Van Sant sur le massacre de Columbine ? Qu’importe. L’éclatement du récit n’est qu’un point de départ, une astuce utilisée à bon escient pour balader le spectateur et tester sa capacité de résistance aux scénarios les plus téléphonés (on aurait pu dire "télévisés").
Chaque tentative d’analyse de cette situation critique (après Simon, d’autres élèves s’évaporent à leur tour) en révèle un peu plus sur les fantasmes et les angoisses du personnage élu par la caméra de Gobert : Jérémie, le beau gosse footeux (Jules Pélissier, magnétique), Alice, la bombasse de terminale (hitchcockienne Ana Girardot), Rabier, l’intello coincé (Arthur Mazet, incroyablement juste dans un rôle pourtant ingrat)… Le tout dressant un portrait très juste et toujours d’actualité du microcosme adolescent : cruel, égocentré, fragile.
Fabrice Gobert n’a pas peur d’en faire trop et son souci d’anti-réalisme étonne agréablement (notamment parce qu’il s’éloigne des codes habituels des thrillers "à la française"). Ses cadrages sont élégants, son image, léchée et chaque détail (coiffure, vêtement, poster sur le mur d’une chambre…) semble avoir été choisi après mûre réflexion.
Quant à la bande-son des new yorkais de Sonic Youth, elle se fond à l’ensemble et enveloppe ce qui devrait être un microcosme rassurant (banlieue pavillonnaire, famille, lycée…) d’une aura menaçante quasi fantastique. Clairement sous influence américaine, Fabrice Gobert s’approprie quelques bonnes vieilles techniques hollywoodiennes pour inventer un teen-movie "made in France" ambitieux et malin. Excitant.