Showing Up

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Une comédie mélancolie sur les affres de la création artistique.

Un des plus beaux films de 2023

Sans doute l’un des plus beaux films de cette année ! Présenté au festival de Cannes en sélection officielle, il est curieusement reparti bredouille mais il sort en salle et le public saura reconnaître sa grande valeur. Avec cinq courts-métrages et quelque sept longs à son actif, dont un primé à Deauville, Night Moves en 2013 et, plus récemment, First Cow qui a emballé la critique internationale et reparti avec l’Ours d’Or à la Berlinade en 2020, Kelly Reichardt est la réalisatrice et scénariste la plus en vue actuellement. Tant et si bien qu’en octobre 2021, le Centre Georges Pompidou a décidé de lui rendre hommage en organisant une rétrospective. C’est justement à cette occasion qu’elle a réalisé deux courts-métrages artistiques qui lui ont donné l’idée de ce dernier long-métrage. En effet, avec son coscénariste de toujours, Jonathan Raymond, ils se sont rendu dans l’atelier de Michelle Segrey qu’elle a filmé en plein travail avec les belles images de son chef opérateur, Christopher Blauvelt, qu’on retrouve d’ailleurs aussi pour ce long-métrage. Quant au second court-métrage présenté à Paris, ce sera l’artiste Jessica Hutchins qu’elle rencontre et filme en Californie dans une lumière incroyable. Ces deux courts-métrages qui l’ont confrontée à la création artistique et à la manière de filmer un plasticien au travail ont donné l’idée aux deux scénaristes d’écrire cette histoire, celle toute simple de Lizzy qui prépare sa prochaine exposition de sculptures et se sent enfermée dans son cadre de vie, ses amies et voisins et surtout sa famille un peu trop envahissante au sein de cette école d’art où elle travaille et crée. 

Elle sont jolies mes figurines

En effet, une idée toute simple mais l’art de Kelly Reichardt sait tirer profit ce coup-ci non plus le format carré comme pour ses films sur la nature, notamment First Cow, mais le format rectangulaire dont le chef opérateur a bien su exploiter toutes les capacités pour donner vie à ce cadre un peu fermé mais inondé de lumière. Par petites touches, tout l’art de la réalisatrice consiste à dépeindre cette Lizzy, un peu obsessionnelle, assez névrosée qui se trouve très généreuse et que d’aucun considèrent comme égoïste, aux prises avec l’angoisse non de la page blanche mais de la création plastique. On la voit réellement fabriquer ses petites sculptures (qui sont en réalité la création de Cynthia Lahti qui vit à Portland) et dont certaines sont trop cuites ou abîmées, mais le talent vient sans doute de l’erreur. Lizzy se débat aussi avec son quotidien, sa chaudière qui est en panne, la propriétaire qui ne veut rien faire, les loyers à payer et l’angoisse de l’inauguration. Sa mère est présente tous les jours dans l’école d’art, son père passe souvent les voir et son frère vit tout seul et on le sent très fragile psychologiquement. 

Un pigeon blessé comme métaphore de la liberté

Par petites touches, tout le talent de Kelly Reichardt est de rendre compte de ce petit monde créatif jusqu’à l’apothéose de l’exposition et son buffet où son frère engloutit tout le fromage. Grâce à des détails, qui éloignent complètement le film de ses récentes réalisations, Showing Up – qui veut dire en substance dévoiler, rendre visible – possède les qualités, la vélocité des dialogues et l’humour de certains films de Woody Allen. Avec son charme fou, son observation de la comédie humaine et l’intrusion d’un pigeon blessé dans l’atelier que, préalablement, Lizzy avait jeté comme un objet cassé, et qui lui revient par l’intermédiaire de sa logeuse. Du coup, comme tous les névrosés qui peuplent l’histoire du cinéma, elle se sentira obligée de s’en occuper et de le guérir. C’est d’ailleurs lui, ce pauvre petit pigeon malade, qui apportera une sorte de morale au film lorsque, guéri, il s’élancera hors de la salle d’exposition pour s’envoler vers l’horizon, métaphore on ne peut plus limpide. C’est l’actrice, Michelle Williams qui a déjà joué dans quatre films de Kelly Reichardt , qui en parle le mieux dans le dossier de presse du film : « Quand je vois un film terminé, je me rends compte que Kelly a encore une fois développé des idées complexes qui m’avaient totalement échappées. Ce qu’il y a d’unique dans son cinéma, c’est que le récit est à la fois conscient et inconscient. »

Titre original : Showing Up

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Durée : 108 mn


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