Savages

Article écrit par

Dernier coup de gueule du réalisateur de « Tueurs nés ».

Il semblerait que l’heure soit au come-back des réalisateurs américains : que ce soit William Friedkin avec Killer Joe ou Brian de Palma avec Passion (qui sort prochainement et que l’on espère de tout cœur à la hauteur !), c’est au tour d’Oliver Stone de nous rappeler sa présence bienvenue dans le paysage filmique américain. Élève de Martin Scorsese à la NYU, ancien combattant lors de la guerre du Viêt Nam et scénariste de talent à ses débuts (le cinéaste a écrit entre autres, les scripts de Midnight Express pour Alan Parker en 1978, Conan le Barbare pour John Milius en 1982, Scarface pour Brian de Palma en 1983 ou encore L’Année du Dragon pour Michael Cimino en 1985…), Oliver Stone est par la suite devenu un des metteurs en scène américains les plus importants et prolifiques de la deuxième moitié du XXe siècle. Auteur de films tels que Platoon (1986), Wall Street (1987), Né un 4 juillet (1989), JFK (1991), The Doors (1991) ou encore U Turn (1997), le réalisateur a néanmoins connu un léger déclin lors de la dernière décennie, son talent et surtout son énergie s’étant quelques peu affaiblis avec des films comme Alexandre (2004), World Trade Center (2006) ou encore les semi-déceptions que furent W. (2008) et Wall Street 2 (2010). Désormais l’auteur de Tueurs nés (1994) revient en force avec Savages, fable violente d’une énergie hors pair.

Ben (Aaron Johnson) et Chon (Taylor Kitsch), l’un militaire, l’autre botaniste, sont deux meilleurs amis partageant deux points communs : ils gèrent tous les deux la plus grosse plantation de marijuana de Californie et sortent tous deux avec la même fille : O (Blake Lively). Leur petit monde paradisiaque se retrouve perturbé le jour où le cartel de drogue le plus puissant du Mexique décide de kidnapper celle-ci…

 

Version musclée de Jules et Jim (François Truffaut, 1962) sous acide, Savages s’avère avant toute chose un divertissement de haute volée d’une hystérie et d’une intensité impressionnantes. Projet en or pour Oliver Stone adapté du roman éponyme de Don Winslow, le récit du film permet au cinéaste de parler de choses importantes à ses yeux et ce de manière accessible. Des cartels de drogue qui régissent le Mexique à l’influence des États-unis sur le pays en passant par la guerre en Irak ou encore la crise économique, le scénario (brillamment ficelé et dialogué par Shane Salerno et Don Winslow) surfe sur un bon nombre de sujets permettant au metteur en scène de se lâcher. De ce fait, celui-ci renoue avec un style visuel plus débridé et tape à l’œil (montage cut, contre-plongées, cadres débullés, effets d’obturateur lors des scènes d’action, bande son surmixée…) propre à ses premières œuvres et que l’on pourrait même presque qualifier d’expérimental par moments.

Le réalisateur s’entoure par ailleurs d’un casting aussi probant qu’éclectique, contribuant fortement à la réussite du film. Que ce soit John Travolta dans le rôle d’un agent fédéral corrompu (son meilleur rôle depuis des lustres !), Benicio del Toro en bras droit tordu et effrayant ou encore Salma Hayek an marraine de cartel sexy, notre plaisir de spectateur est au comble, le film fourmillant de vrais gueules de cinéma. On louera notamment les présences d’Aaron Johnson (l’acteur principal de Kick-Ass, méconnaissable), Blake Lively et Taylor Kitsch complétant ce trio de personnages principaux fonctionnant à merveille. Le film étant parsemé de séquences d’une violence inouïe (les exécutions sommaires des cartels, la scène du fouet dans le hangar…), on évoquera également le climax du métrage, offrant deux possibilités de fin au spectateur, tout aussi satisfaisantes l’une que l’autre et résumant parfaitement les intentions du scénario : une histoire d’amour violente et poétique d’un côté, un virulent pamphlet politique de l’autre.

Peut-être pas le meilleur film de la carrière du cinéaste, Savages s’avère toutefois nettement plus satisfaisant que ses dernières tentatives derrière la caméra. Une chose est sûre : Tony Scott a peut-être choisi de nous quitter mais Oliver Stone est bel et bien de retour !
 

Titre original : Savages

Réalisateur :

Acteurs : , , , , ,

Année :

Genre :

Durée : 130 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Dersou Ouzala

Dersou Ouzala

Oeuvre de transition encensée pour son humanisme, « Dersou Ouzala » a pourtant dénoté d’une espèce d’aura négative eu égard à son mysticisme contemplatif amorçant un tournant de maturité vieillissante chez Kurosawa. Face aux nouveaux défis et enjeux écologiques planétaires, on peut désormais revoir cette ode panthéiste sous un jour nouveau.

Les soeurs Munakata & Une femme dans le vent.Sortie Blu-ray chez Carlotta, le 19 mars (OZU, 6 films rares ou inédits).

Les soeurs Munakata & Une femme dans le vent.Sortie Blu-ray chez Carlotta, le 19 mars (OZU, 6 films rares ou inédits).

Dans l’immédiat après-guerre, Yasujiro Ozu focalisa l’œilleton de sa caméra sur la chronique simple et désarmante des vicissitudes familiales en leur insufflant cependant un tour mélodramatique inattendu de sa part. Sans aller jusqu’à renier ces films mineurs dans sa production, le sensei amorça ce tournant transitoire non sans une certaine frustration. Découvertes…

Dernier caprice. Sortie Blu-ray chez Carlotta, le 19 mars (OZU, 6 films rares ou inédits).

Dernier caprice. Sortie Blu-ray chez Carlotta, le 19 mars (OZU, 6 films rares ou inédits).

Le pénultième film d’Ozu pourrait bien être son testament cinématographique. Sa tonalité tragi-comique et ses couleurs d’un rouge mordoré anticipent la saison automnale à travers la fin de vie crépusculaire d’un patriarche et d’un pater familias, dans le même temps, selon le cycle d’une existence ramenée au pathos des choses les plus insignifiantes. En version restaurée par le distributeur Carlotta.

Il était un père. Sortie Blu-ray chez Carlotta, le 19 mars (OZU, 6 films rares ou inédits).

Il était un père. Sortie Blu-ray chez Carlotta, le 19 mars (OZU, 6 films rares ou inédits).

Difficile de passer sous silence une œuvre aussi importante que « Il était un père » dans la filmographie d’Ozu malgré le didactisme de la forme. Tiraillé entre la rhétorique propagandiste de la hiérarchie militaire japonaise, la censure de l’armée d’occupation militaire du général Mac Arthur qui lui sont imposées par l’effort de guerre, Ozu réintroduit le fil rouge de la parentalité abordé dans « Un fils unique » (1936) avec le scepticisme foncier qui le caractérise.