Salamandra

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Au croisement des idéologies politiques des années 80, « Salamandra », un film dérangeant de Pablo Aguero, chante l´apologie du pauvre à la recherche de la liberté perdue.

Dans son premier film, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2008, le cinéaste argentin se souvient de son enfance. Une jeune mère, Alba (Dolores Fonzi), sort de prison et emmène son fils Inti (Joaquin Aguila) âgé de 6 ans en Patagonie, au bout du monde, pour recommencer sa vie. Une longue tirade d’Alba sur la liberté au début du film est destinée à sa mère afin de lui expliquer qu’une vie dans un appartement équivaut à la prison. En Patagonie, à El Bolson, un certain Salvador l’attend, il est censé l’aider à trouver un foyer. Aux pieds de la cordillère des Andes, El Bolson, (en espagnol « le gros sac »), est passé de "Mecque du hippisme" dans les années 70 à une sorte de refuge pour les criminels et autres rejetés de la société. Ces beaux monstres vont accueillir dans leur grande famille Alba et Inti. La saleté, la promiscuité, les rapports sexuels, la terreur évangélique, tout se dévoile à travers le regard du petit garçon qui est tantôt émerveillé, tantôt dégoûté.
 
Salamandra n’est pas seulement l’histoire d’une initiation et d’une dégringolade sociale mais aussi un voyage dans le subconscient du peuple argentin. Le premier plan du film montre Inti dans son bain en train de constituer les mots « US ARMY » avec des lettres multicolores. La propagande américaine était ancrée dès le plus jeune âge dans les mœurs argentines. Le pays était depuis longtemps une zone d’influence importante des Etats-Unis, et la dictature avait été mise en place et manipulée par les américains. Les années 80 marquent la fin de la dictature, le début de la politique de consommation et la renaissance des religions. A ce croisement des valeurs, on sent l’Argentine perdue et paniquée. La chanson “I love Dick”, – soi-disant un boléro inédit d’Elton John, chanté par un hippie, incarné par le chanteur John Cale – n’est qu’un relent de la société occidentale gardant sous sa coupe l’hémisphère sud.

Alba est le personnage qui représente la liberté, allusion à la démocratie après la dictature. Elle essaie de se rebeller contre sa condition. Elle aspire à des lendemains meilleurs mais elle ne veut regarder la vérité en face. La photo d’une chute d’eau, qu’Alba emporte partout avec elle évoque cette liberté. Inti est beaucoup plus lucide, mais il se trouve dans un milieu hostile contre son gré. Il est bousculé dans sa vie d’enfant et découvre un monde de violence. Il a vite compris la leçon et porte avec lui un kit de survie. Il n’apprend à aimer sa mère que par l’obligation de survivre.
 

Le jeune réalisateur et scénariste Pablo Aguero, choisit de traiter un sujet original en lui attribuant son rythme, sa forme narrative et visuelle. En utilisant fréquemment les ellipses dans la narration, le réalisateur parsème son film d’indices sur la vie des plus démunis face au paysage aride de Patagonie. Une image sale, délavée, "décadrée" donne au film la forme d’un brouillon, comme si la possibilité d’un monde meilleur n’était pas encore effacée.
 

Titre original : Salamandra

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Durée : 91 mn


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