John T. Chance, shérif de son état, arrête un meurtrier et lenferme dans la prison en attendant la venue du prévôt. Pour le soutenir (le frère du meurtrier veut à tout prix le libérer), Dude, devenu alcoolique à la suite dun chagrin damour ; Colorado, jeune tireur délite et ex-employé de la victime et Stumpy, vieil infirme bougon mais serviable. Chance a un autre problème qui savère plus délicat : il est tombé sous le charme dune joueuse de poker, Feather. Celle-ci sest jurée de lui mettre le grappin dessus, et ce, par tous les moyens…
Conteur exceptionnel, Howard Hawks pourrait être dans le trio gagnant des plus grands réalisateurs américains ; amateur de jolies femmes, il excellait dans tous les genres du système hollywoodien. Selon Hawks, le parcours que doivent respecter et atteindre un couple (lexactitude de leurs sentiments respectifs) est tortueux. Tous les personnages hawksiens sont dépourvus dégoïsme. Ils saiment mais nosent pas exprimer cet amour, car ils veulent dabord en vérifier le contenu. La femme choisit et lhomme assume. Un exemple précis, dans LImpossible Monsieur Bébé (1938), Katharine Hepburn lâche une phrase mémorable : « Cest lhomme que je vais épouser, mais il ne le sait pas encore ». Tout Rio Bravo (1959) est dans cette affirmation et cest principalement ce qui fait son charme.
Procédons à une petite dissection de la mise en scène hawksienne sur le couple :
-La rencontre, synonyme du premier face à face, commence généralement par une situation incongrue ou légèrement drôle. La femme est attirée mais ne sait pas comment sy prendre. Quant à lhomme, il est fasciné mais non conquis. De plus, le découpage des plans est hautement révélateur. Hawks choisit de les filmer séparément, en champ/contrechamp.
-Le coup de foudre qui a véritablement lieu à partir du second échange, mais qui reste confus. Le champ/contrechamp est toujours respecté, mais cette fois-ci Hawks place sa caméra à la hauteur de ses acteurs. Le message est clair : ils sont épris lun de lautre mais ils ne le savent pas encore. Seule la caméra le sait, le cinéaste et le spectateur.
-Lamour défini, où lon voit les protagonistes se confier réciproquement sans toutefois franchir les limites de la bienséance…
Hawks maintient le suspense amoureux et ouvre la marche à suivre pour ses personnages. Durant une bonne partie du film, Feather et Chance se querelleront la tête pour des broutilles, jusquà ce quils franchissent lultime étape. Mais là où lon sattendait à une réaction masculine violente, Hawks, comme à son habitude, transgresse les règles de la misogynie et offre le beau rôle à la femme avec un monologue exemplaire :
– « Je sais bien que jai le don de vous rendre furieux John. Alors, ne mobligez pas à vous dire pourquoi je suis restée. Je ne vous compliquerai pas lexistence. Je mécarterai de votre chemin. Je resterai là, cest tout ! Vous ne me devez absolument rien et vous me devrez rien jusquà la fin. Et quand ce sera la fin, vous me direz de partir. Non ! Vous naurez même pas besoin de me le dire. Je le comprendrais alors et je partirais. Cest correct nest-ce pas John ? Vous navez pas à me répondre maintenant si vous nen avez pas envie. Mais au moins dites-moi un mot. »
– Lhomme à nu : « Si je navais pas tous ces ennuis, ce serait peut-être différent. Mais je les ai ».
– Elle : « Cest tout ce que je voulais entendre ».
Il faut avoir vu une fois Rio Bravo dans sa vie. Chaque plan de ce film exprime le respect, respect pour les personnages, respect pour le spectateur et respect pour la femme. Une leçon de cinéma.