Retour sur l’Heritage International Film Festival

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A Paris, du 28 novembre au 2 décembre, sous le patronage de l’UNESCO, s’est déroulée la première édition du Festival Héritage, née, entre autres, de la volonté de mettre en avant les cinéastes émergents.

Danse, musique chinoise, bel canto, dans le magnifique amphithéâtre de l’UNESCO, la soirée d’ouverture du mardi 28 novembre nous a réservé de beaux moments, en plus des habituels et nécessaires discours de présentation. L’occasion de célébrer la présence de Zhang Yimou (Épouses et Concubines,1991), invité d’honneur de cette première édition.  Le Mac-Mahon – où nous étions présents -, Le Lincoln et  Le Forum des images ont ensuite accueilli les spectateurs durant les trois jours de projection. Voici donc nos plus belles impressions.

Le mercredi 29 nous a permis de découvrir le Kirghizstan – pays d’environ six millions d’habitants, frontalier de La Chine, intégré à l’URSS jusqu’en 1991 – grâce à  trois belles réussites cinématographiques. Leur point commun : le constat – jamais sentencieux -, de l’érosion des valeurs d’une culture basée originellement sur la solidarité et la préservation des valeurs écologiques. Home for sale, de Taalaibek Kulmendeev, nous plonge au cœur d’une famille menacée d’expropriation suite à des dettes non honorées. Sur un sujet  qui aurait permis à Ken Loach de s’indigner lourdement avec ses grosses ficèles habituelles ou aux frères Dardenne de tendre artificiellement la situation par un rythme effréné et violent, Taalaibek Kulmendeev nous donne tout modestement une leçon de cinéma social. Tout en montrant la déliquescence d’une société dite moderne, le regard porté sur le couple n’est jamais victimaire.  En s’enfermant chacun dans leur propre logique égoïste, la femme enceinte et son mari dépassé œuvrent à contre-courant. Un scénario concis, une durée resserrée, le réalisateur possède l’art, ô combien rare, de toucher le cœur d’un problème social et humain  sans s’appesantir.

Shambala

Shambala d’Artykpai Suyundukov a visiblement touché le public du Mac-Mahon.  Il faut dire que le destin de Shambala, un enfant de dix ans vivant avec ses grands-parents, sa tante et, surtout, un oncle violent, possède tous les atouts pour nous émouvoir. Un hymne à la nature, une part d’onirisme viennent enrichir la palette des émotions. Mais là aussi, comme dans Home for sale, on ne tombe jamais dans la facilité. Âpre dans sa violence, mesuré dans l’expression des émotions fortes, le sentier bordé d’épines qui attend le jeune adolescent est  proche de celui de l’univers plein de grâce de Satyajit Ray. Une leçon de vie qui laisse toute sa place à notre propre sensibilité et nos interrogations.

Scent of wormwood, d’ Aibek Daiyrbekov, Kyrgyzstan dresse également le portrait d’une enfance douloureuse. Malgré la solidarité et la complicité qu’ils développent entre eux, trois garçons ne peuvent rien contre la violence du monde adulte. Père alcoolique, instabilité dans les couples, très tôt, il faut s’adapter à ces réalités. Issu des souvenirs personnels du réalisateur qui nous confiera après la projection que la violence patriarcale était largement répandu dans son entourage, le film évite les pièges du « genre ». Son récit initiatique ne va jamais là où on l’attend. Un cri du cœur sans rancœur, filmé avec un sens aigu de la mise en scène.

Osama

Osama de Siddiq Barmak, sorti en 2003, reste malheureusement d’une cruelle actualité avec le retour des Talibans en Afghanistan. Obligée de se faire passer pour un garçon travailler, une petite fille de douze ans va subir un véritable calvaire. La scène inaugurale, l’immersion dans une manifestation féminine assiégée par les forces de l’ordre glace par sa terreur – filmée comme un film d’horreur. Le souci de rendre compte d’une réalité  s’accompagne d’un souci permanent de mise en scène : travail sur le hors-champ pour les premiers signes de la menace Taliban, format 4/3, cadrages d’une précision chirurgicale, un éclairage « à la bougie » des intérieurs. En plus d’être un témoignage d’une force considérable, Osama est une merveille de cinéma. Même si le film a été salué dans plusieurs festivals, il ne possède pas la reconnaissance qui lui est dû. Après la projection, la présence de Marina Golbahari, l’actrice principale qui a survécu dans ces circonstances, a apporté un éclairage vibrant sur la situation dans ce pays.

L’ouverture aux différentes cultures (Turquie, Inde, Mexique, Kazakhstan, Kirghizstan, pays européens….) par le dialogue et le média cinématographique, de par la qualité de sa programmation et le prestige ses invités (Costa Gavras, Cristain Mungiu…),  le Festival Héritage  possède tous les atouts pour être un rendez-vous marquant dans les futures années. Il lui reste à prendre son essor en se rapprochant d’un public plus large, en commençant notamment par un sous-titrage en Français, l’anglais utilisé pour une grande partie des films ne facilitant pas l’accès aux séances. On suivra de près les prochaines éditions.

Merci à Audrey Grimaud et à Romane Desdoits, de l’Agence Valeur Absolue, pour nous avoir permis d’assister à ce Festival.

Palmarès :

Meilleur Film : Muyeres de Marta Lallana (Espagne)

Prix du Meilleur Réalisateur : Esimde « This Is What I Remember » (Kirghizistan)

Prix Spécial du Jury : Riceboy Sleeps de Anthony Shim (Canada)

Prix du Public : Dark Forest de CUI Zhe (Chine)

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